Une rythmique, un piano, des cuivres, un orgue, un harmonica, des voix… Deux génies aux doigts de fée et aux idées d’enfer…
Un disque de la mort qui tue !


OutKast, ce duo de génialissimes producteurs (Andre 3000 et Big Boi) d’Atlanta, après Stankonia, a surtout gagné ses lettres de noblesse grâce au double album Speakerboxxx/The Love Below, sans doute master piece incontournable de l’histoire du hip-hop. C’est dire si on les attendait au tournant avec cet album – en fait, à vrai dire, autant que Pharrell, avec qui ils auront partagé la salle habitude de repousser encore et encore la date de sortie. Là s’arrêtent cependant les similarités entre ces nouveaux anges – avec Kayne West, Dr Dre, Jay Z… – de la modern music, car leur musique – bien que pop dans les deux cas – n’a pas grand chose à voir en fin de compte, OutKast laissant bien plus d’espace à la prise de risque et à l’expérimentation.

Précisons d’entrée de jeu qu’Idlewild affiche tout de même au compteur 78 minutes pour 25 titres ! A la première écoute, ne le cachons pas, on est plutôt déçu : on a l’impression d’avoir affaire à un fouillis assez indigeste. Les amateurs de musique savent combien cette première réaction cache souvent un chef-d’oeuvre. C’est encore une fois le cas, et on tire son chapeau au duo d’avoir réussi à faire aussi fort que leur double album précédent. Une chose est sûre dorénavant : ils sont aux années 2000 ce que les Beastie Boys étaient aux nineties : une source de nouveauté.

Tout comme le célèbre trio de blancs becs, c’est le mélange des genres qui fait la force et l’intérêt de leur démarche. Se bousculent dans cette bande originale de film (le leur de surcroît), hip-hop bien sûr, mais aussi R & B, soul, rock, blues, jazz et surtout des styles oubliés (thème oblige – l’histoire se déroule dans les années 30) comme le fox-trot, le ragtime ou le swing.

Ceci dit, l’emprunte majeure d’Idlewild est à mettre au compte de Prince, et ce à maints égards. Même ambition et même son que Purple Rain et Parade réunis, qui sont en sus aussi des BO de films. C’est dire si les bonhommes montrent un véritable talent dans cette discipline. Les paroles, telles celles d' »Hollywood divorce », sont d’une actualité criante et couvrent les thèmes de prédilection du petit génie de Mineapolis.

On ne se lasse pas d’écouter en mode repeat continu le formidable « Morris Brown », avec ses rythmes endiablés à la brésilienne, ses cuivres dégoulinants, sans oublier ses choeurs frisant le gospel. Drôle de mélange, mais qui fait mouche. Certains titres (« Mighty O », « Chronomentrophobia ») rappellent les premières oeuvres du duo, sans y ressembler non plus pour autant. Le clin d’oeil « Bamboo & Cross » fait bien sûr écho à « Bamboo » sur Speakerboxxx. La guest list est, comme à l’accoutumée, remplie à ras bord (Snoop Dogg, Scar, Lil’ Wayne, Sleepy Brown, Killer Mike, Janelle Monaé, Macy Gray…).

La deuxième partie du disque propose une flânerie entre le jazz et les styles musicaux d’antan. Une prouesse que d’avoir réussi à inculquer de la modernité à ces styles a priori difficiles (les échappées jazz dans « Makes no sense at all ») ou dépassés (« Call the law »), voire les deux (« When I look in your eyes », « Dyin’ to live »). Les ballades au piano évoquent Prince (faut-il encore le répéter ?), jusque dans l’utilisation de la boîte à rythme, des synthés ou du renfort de plusieurs – superbes – voix -, féminines pour la plupart (« In your dreams » ou « Mutron Angel »). « Greatest show on earth » avec Macy Gray en haut de l’affiche est lui aussi excellent. Que dire enfin du final ? « A bad note », véritable ode instrumentale à la guitare de Prince (encore?) et Jimi Hendrix réunis, clôt ce que l’on classera sans hésitation aucune dans notre best of de l’année.
Au moins.

– Le site d’Outkast