Xavier Rudd, compositeur australien et surfeur à ses heures perdues, endosse avec Food In The Belly la responsabilité du prophète folk moderne. Idéaliste, barbu, épris de slide-guitare – peut-être en joue t-il à l’horizontale – ça vous rappelle quelqu’un ?


Le succès de Ben Harper – et plus récemment de Jack Johnson, qui parvient à remplir Bercy – entraîne une conséquence attendue : les chanteurs d’inspiration folk se multiplient, espérant profiter de l’engouement d’un public sensible à la cause altermondialiste et aux didgeridoos.

Avec Xavier Rudd, la conformité au modèle de référence (ce même Ben Harper, notamment période The Will To Live) a de quoi laisser pantois. Et pour le militant anti-OGM qu’il est, une telle illustration du clonage peut prêter à sourire. On retrouve, certes avec du talent, l’appropriation de tout l’imaginaire associé aux chanteurs folk. Un brin bohème, révolté sans être vraiment rebelle, prêt à défendre plusieurs causes nobles (la défense de la planète, la valorisation de la culture aborigène), Xavier Rudd est un homme de valeurs, qu’il défend au cours de nombreux concerts caritatifs et autres festivals. Showman hors-pair, cet artiste polyinstrumentiste maîtrise – et jongle entre – la slide-guitare, le didgeridoo, le banjo, l’harmonica, le djembe et le piano. Ses deux albums live (Live in Canada et Live At The Grid) ont aussi contribué à sa réputation scénique, largement méritée par ailleurs.

Food In The Belly, sorti initialement en 2005, permet au public français d’apprivoiser ses ritournelles folk, avec notamment quelques titres bonus.
“Let Me Be” est ainsi une introduction parfaite à sa musique, avec son refrain aigu sur fond d’accords gratouillés. Ce premier titre véhicule une certaine légereté, celle des vacances improvisées, un peu comme lorsqu’un ami entonne, rien que pour nous, une chanson sans prétention, s’aidant d’un sifflotement désinvolte et d’une touche d’harmonica. Cette impression fugace nous saisit à plusieurs reprises, par exemple lorsque “Messages” se réapproprie la guitare agile qui contribuait au talent de Nick Drake. Les arpèges clairs, volontiers à contre-temps, constituent l’architecture rythmique de ses morceaux. Le rythme est en effet au coeur de la musique de Xavier Rudd, et ce dernier est très doué pour le suggérer avec peu de moyens : une batterie en sourdine (“Energy Song”), un pied qui bat la mesure sur “Fortune Teller”, des grelots sur “The Mother”, “Generation Fades” ou des djembés (“Mana”).

Son discours, pourtant dépourvu d’une tonalité moralisatrice, n’évite pas quelques poncifs, notamment sur l’importance structurelle de la différence («difference gives this world its appeal») ou la condamnation de la misère (en mémoire de ceux qui n’ont pas la chance d’avoir «some food in the belly»). Constats certes légitimes, mais usés par de trop nombreuses convocations, surtout par les poètes du folk qui s’estiment investis d’une mission d’information, ou de rééducation. Xavier Rudd n’esquisse pas pour autant un monde pacifié ou édulcoré, et une électricité tout en retenue assombrit certaines compositions, comme pour mieux dévoiler la part d’ombre qui sommeille chez ce prophète mi-idéaliste mi-réaliste. L’usage d’un didgeriddo hypnotique accentue l’énergie des compositions (“Mana”), tandis qu’une cithare confère à “Pockets of Peace”, au tempo plus lent, un petit côté plus Bombay que Bollywood. Certains titres s’approchent d’un classicisme folk, quelque part entre Bob Dylan et Bonnie ‘Prince’ Billy (“Energy Song”, “The Letter”). Dommage toutefois que la comparaison inévitable avec ses aînés et/ou contemporains vienne gâcher l’empathie qu’on ne peut s’empêcher de ressentir face à cette énième relecture acoustique.

– Le site de Xavier Rudd

– Xavier Rudd sur Myspace