Le duo de Portland revient avec un troisième album assez recherché, qui réactualise un certain format noisy-pop. Un air de nostalgie souffle sur cet opus, où l’on croise une farandole de fantômes illustres.


Viva Voce appartient à la catégorie assez peu représentée des «couples/ groupes». Anita et Kevin Robinson sont en effet, en plus d’être un duo talentueux, un couple à la ville. Cette information, qui n’est certes pas indispensable pour aborder leur musique, peut toutefois nous éclairer sur cette complicité, cette connivence qui semblent animer chacun de leur titre. Dans leurs aspirations tout d’abord : les deux seuls membres de Viva Voce regardent bien dans la même direction, ce qui est le propre d’un couple serein. Ils ont jeté leur dévolu sur tout un pan de la musique anglo-saxonne des années 80-90, sans oublier de garder à l’esprit l’actualité de la musique indépendante. Dans l’essence même de leur compositions enfin : il y règne une certaine harmonie, a peine voilée de quelques rares dissonances (“So Many Miles” notamment).

“Believer” s’annonce comme une étrange profession de foi, hypnotique et grandiloquente. Un rythme sourd et binaire, relayé par des clappements de mains, évoque une danse rituelle, alors qu’une guitare électrique distille un thème entêtant entre chaque couplet. «I’m a believer now, and there’s nothing that I can do to keep me safe from you» chantent-ils de concert : déclaration d’un amour fusionnel qui peut s’avérer vénéneux. Dès “When Planets collide”, Viva Voce embrasse le format noisy-pop. Avec un certain aplomb et au risque de plagier ce qui faisait le charme de cette musique, dont l’apogée remonte au début des 90’s, Viva Voce convoque quelques réflexes presque datés. Une guitare saturée aux accords simplissimes, une section rythmique soutenue, des voix éthérées relayées par des la-la-la quasi-enfantins : il n’en faudrait pas plus pour retrouver la magie des duos Rachel Goswell/ Neil Halstead période Slowdive ou Kevin Shield/ Belinda Butcher de My Bloody Valentine. Leur ombre n’en finit pas de se projeter sur ce qui ressemble à un hommage implicite et criant à la fois.

Pour casser cette extrême fidélité au modèle, Viva Voce choisit – et c’est une de leurs marques de fabrique – les compositions non linéaires. C’est ainsi que la progression de “When Planets Collide” se trouve interrompue par un interlude à la guitare, rejoint progressivement par les autres instruments et la voix d’Anita, plus envoûtante que jamais. “Drown Them Out” reprend le flegme de Slowdive, avec un refrain centré sur un fredonnement sensuel, assombri un moment par l’irruption de cuivres synthétiques. “So Many Miles” enfin, morceau central qui dépasse les huit minutes, se laisse peu à peu gagner par l’énergie éparpillée du Velvet Underground : un bel exemple du principe de désordre, qui détruit peu à peu les repères mélodiques du morceau. Seule la basse et la batterie gardent le cap, tandis que la guitare, au son saturé, barbouille petit à petit la composition de ses larsens aléatoires.

A côté de ces chansons évolutives, Viva Voce nous livre quelques beaux exemples au format plus classique. “From The Devil Himself” ou “Faster Than A Dead Horse” évoquent le son des Dandy Warhols, tandis que le refrain de “We Do Not Fuck Around” reprend, à s’y méprendre, les accords utilisés par Arcade Fire sur “Neighboorhood # 1”. Malheureusement, la fin de l’album s’avère plus frileuse que ces huit premiers titres vraiment enthousiasmants. Sans grand intérêt, on passe de la ballade mollassonne au piano (“Never Be Like Yesterday”) à l’épisode rock fétichiste (“Helicopter”) : Ride devient alors la nouvelle idole sur l’autel du shoegaze rock qu’ont sans doute érigé les membres de Viva Voce.

L’adoration de ses héros d’antan est peut-être à ce prix : celui d’un plagiat plus ou moins camouflé, traversé d’éclairs de génie. Si Get Yr Blood Sucked Out recèle de très bons moments, ces derniers doivent sans doute beaucoup à ces effets de style qu’on a premièrement appréciés chez d’autres.

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