Après une parenthèse folk dépouillée, le garçon au falsetto angélique s’essaie aux standards pop seventies. Oui, mais…


Sur le CD sampler rentrée 2006 des Inrocks figure un titre inédit de Jude. Le songwriter y est apostrophé comme « le vrai fils de John Lennon ». A vrai dire, pour être fidèle au contexte historique, Jude serait plutôt le fils de Mc Cartney, puisque la composition lui revient. Mais Julian – dont la chanson lui est dédiée – est bien le fils de John Lennon. Oulah… je m’embrouille. Quoiqu’il en soit, il est toujours question de figure paternelle sur ce cinquième opus de Jude, même si celle-ci n’est plus celle qu’on croit : Michael Jude Christodal y pose avec son fils en lui apprenant les rudiments de la guitare. Une vieille photo que papa garde précieusement dans son portefeuille et brandit fièrement à ses collègues lorsque l’occasion s’en présente. Le petit est aux anges, la relève est assurée.

A 35 ans, Jude ne prétend plus être l’artiste jeune premier faisant mine de regarder la concurrence dans le rétroviseur sur No One is Really Beautiful (1998). Redemption se voudrait plutôt la renaissance du « Beautiful Loser » – il le chante d’ailleurs – après de multiples déconvenues financières et artistiques. Une renaissance augurée par Sarah l’année dernière, son disque autoproduit, qui le réconciliait enfin avec son public. Muni d’un simple émetteur acoustique, Jude nous transmettait en prise directe neuf titres à la beauté discrète et surannée.

Redemption continue de tracer cette voie apaisée tout en lustrant les mélodies, le budget ayant été revu à la hausse. On retrouve peu de moments intimistes folk, le songwriter préférant vaquer d’une guitare électrique à un piano mélo dans un esprit délibérément pop vintage. On sent que Jude ne veut pas gâcher les retrouvailles avec une production déplacée, chaque rajout instrumental sur ses mélodies haut-perchées est modéré. Le despotisme artistique subi lors de King of Yesterday a au moins eu le mérite de l’immuniser contre les formules trop clinquantes. “All I Want”, est une folk song intimiste, un pont intermédiaire avec le précédent opus. Mais le rempart se brise très vite. “Save Me” est d’un autre acabit : du pur Lennon solo, une mélodie fière et universelle qui tourbillonne et emporte tout sur son passage. C’est ce qu’on appelle dans le jargon un single potentiel – ouh le vilain mot ! Hélas, après un tel tour de force, l’équilibre du disque en pâtit malgré lui. On attend d’autres décharges du même tonneau, mais l’on se contentera de belles choses moins instantanées. Quelques guitares électriques branchées sur des amplis 9 volts viennent en renfort relever des folk songs telles que “Break-up Song”, “Your Eyes” et “Run to my room” (à la vague réminiscence années folles). “Love, Love, Love” est une pop song niaise et assumée qu’on ne peut s’empêcher de fredonner, comme du bon vieux Donovan. “Money”, une ballade soul à grand renfort de choeurs gospel tente une sympathique incursion vers l’usine à tube Stax.

Vient la phase sirupeuse, généralement la parenthèse où Jude excelle avec cette voix angélique qui transperce toute résistance. “End of My Rainbow” et “Stay” sont de mignonnes piano songs sentimentales chères à Randy Newman. Quelques sections de cordes sur “Married” viennent délicatement flirter avec un refrain gracile. Mais l’on ne peut s’empêcher de penser que Jude est parfois trop poli et manque un peu d’irrévérence, d’un grain de folie. Quitte à jouer le jeu du «beautiful loser», on aurait souhaité de temps à autre qu’il envoie tout baldinguer au tapis.

– Le site de Jude

– Lire également la chronique de Sarah