Parmi les formations jazz apparues ces dernières années, celle emmenée par le pianiste Esbjörn Svensson est incontestablement la plus appréciée dans le milieu du rock. Mélodies popisantes, crescendo haletants, embardées électriques et textures électro témoignent d’une esthétique sonore inventive, difficilement assignable aux seules musiques improvisées, qui a séduit un grand nombre de fans dans tous les coins de la planète, ou presque. Par ailleurs, les nombreuses prestations scéniques du trio suédois, dignes parfois d’un Radiohead version jazz, n’ont fait que renforcer un peu plus l’aura populaire de cette musique exaltée. Tuesday Wonderland, le dixième album du groupe, s’inscrit dans la droite lignée des trois opus studio précédents – les remarquables Strange Place For Snow (2002), Seven Days of Falling (2003) et Viaticum (2005) – sans pour autant, cette fois-ci, susciter une totale adhésion. En raison, justement, du caractère trop prévisible des compositions de Svensson, dont les tours et détours semblent avoir été déjà proposés par le passé. Malgré une ouverture pink-floydienne prometteuse, où une contrebasse soudainement métamorphosée en guitare électrique saturée vient rompre une apparente quiétude, le trio évolue en terrain balisé sans parvenir à jouer en dehors des jalons stylistiques qu’il a lui-même posés. Certes, la sophistication rythmique et la pâte sonore demeurent uniques, l’enchaînement des morceaux relève d’une science consommée, mais on aimerait tout de même qu’à présent E.S.T. prenne davantage la tangente et transforme, pourquoi pas, son pays des merveilles en enfer.
– Le site de ACT.