Je ne savais pas quoi faire. Toute la journée, j’avais cherché à voler des baisers Modiano, sans succès. La rue s’était endormie, me laissant entamer avec mes chimères un dialogue Shakespearien. C’est à ce moment-là que je décidais d’écouter Delerm.


Parfois, j’écoutais Delerm. Sur ce canapé couleur aubergine, avec cette fille aux cheveux blonds, les yeux rivés sur le poster de La Femme d’à côté, nous écoutions Delerm. Parfois, avec elle, je buvais du saké, dans un restaurant vietnamien, à Deauville. Je lui disais que j’aurais aimé jouer du piano comme Delerm, chanter des chansons d’amour fané pour voir des larmes couler de ses yeux verts. Dans ce couloir, j’aurais aimé suivre l’ombre de Marine, effacer ces garçons juste avant moi. Parfois, chez mes beaux-parents, au moment du dessert, je pensais à Delerm. Quand, souvent, le soir, je me promenais à Ambroise Paré, et qu’il faisait si beau, je trouvais à la vie des airs de pop-song, comme chez Delerm. Parfois, je repensais à ces yeux verts et secs, lorsqu’elle est partie, le 12 septembre 2004 à 12h18, aussi vite que si elle avait les jambes de Steffi Graf. Dans ce couloir trop long, j’évitais alors de frôler mes souvenirs et les sourires narquois de Delerm. Parfois, je trouvais les piqûres de Delerm un peu légères et superficielles. Je me disais, Delerm, lui, il a trouvé le filon pour plaire aux filles aux yeux verts. Souvent, je pensais que les chansons de Delerm ressemblaient à ces bibelots pleins de poussière, achetés un jour où il faisait si beau, à Deauville. Quelques fois, seul, je m’imaginais avec Delerm, sur ce canapé couleur aubergine, en train d’écouter Miossec, les yeux rivés sur le poster d’Un homme à abattre. Parfois, je me trouvais nul d’écouter Delerm. Souvent, d’ailleurs, je n’écoutais pas Delerm.

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