Badly Drawn Boy devient de plus en plus attachant. Sa manière très modeste de se présenter et de s’ausculter cache une ambition artistique utilisée comme un véritable faire-valoir.
J’entretiens avec Badly Drawn Boy une relation particulière. Dès la première écoute – un titre tiré de son EP sobrement appelé EP3 – qui passait à la radio en 98/99 (Radio Campus), j’ai eu le déclic. Plus tard, c’est en sentant mes enfants réagir dans le ventre de leur mère à l’écoute de The Hour of Bewilderbeast, son premier album, que je me suis dit que quelque chose me liait à Damon Gough. Ces choses-là ne s’inventent pas, elles se vivent et elles marquent.
C’est donc toujours avec un même plaisir non dissimulé que j’accueille ses albums. Déçu, je l’ai été avec About a Boy, bande originale du film du même nom. Un peu aussi avec Have You Fed the Fish ? sorti en 2002 et ayant pourtant bénéficié d’une production nec plus ultra, californienne qui plus est. Ces deux albums ne sont pas mauvais, mais semblaient trop faire de l’oeil au format pop que l’on nous sert à longueur de journée sur les ondes.
Avec One Plus One is One, le bon vieux Badly Drawn Boy, ses thèmes préférés et sa manière particulière, à la Droopy hippie, de présenter les choses, étaient à nouveau au rendez-vous.
Avec ce cinquième album, Damon Gough confie qu’il se trouvait acculé à soit se remettre complètement en question, soit carrément arrêter la musique. Du coup, monsieur Droopy a regardé dans le rétro puis dans le miroir : il y a vu des trucs pas très gais (sic), mais aussi des raisons de continuer, la compréhension parant petit à petit au temps qui passe, la nostalgie se métamorphosant aussi, parfois, en placebo. A s’accepter tel qu’il est en quelque sorte. Il est donc, comme l’illustrent les photos du livret, sorti de sa coquille.
Alors, à l’image du très original packeging (un passeport anglais), alliant le contenant et le contenu, dans tous les sens du terme, Damon Gough nous livre son autobiographie, ni plus ni moins. Born in the UK aura-t-il le même impact que Born in the USA de Bruce Springsteen ? Seul le temps le dira, mais on peut dire qu’ici l’histoire de l’Angleterre éclaire son propos alors que chez Springsteen c’était plutôt le contraire.
On retrouve en tout cas ses thèmes favoris : l’amour, la mort, la religion, l’utopie d’un monde meilleur, le temps, la nostalgie… le tout servi par des mélodies touchantes et un soin particulier à choisir les instruments les plus à même de servir son propos : guitare sèche, piano, arpèges etc… On a droit à la vision d’un bonhomme de 37 ans sur sa propre vie et la vie en général en Angleterre pendant toute cette période.
Poursuivant ce qu’il avait entamé sur One Plus One is One, il a encore une fois fait appel à des choeurs sur « Welcome to the Underground », mais non plus d’enfants. Ça donne un côté music hall hippie à la Hair qui laisse peut-être présager une future comédie musicale. C’est tout ce qu’on lui souhaite en tout cas. Cet appel au gospel va même jusqu’à nous servir, en intro de l’album, une prière (gospel en anglais) (Praise god for the water, our son and our daughter, the sun is here, it will stay a while, long enough to bring a smile), suivie de l’hymne anglais.
Autre trait qu’on ne lui connaissait pas encore : le crooner. « The Long Way Round » semble être du Burt Bacharach tout craché.
En somme, Badly Drawn Boy est de mieux en mieux dessiné, et il en vient même à nous faire part de sa sagesse, si petite soit-elle. A profiter des petits bonheurs aussi. Comme il l’explique si bien sur « Nothing’s Gonna Change Your Mind », « Promises » et Without a Kiss », probablement trois de ses plus belles ballades jamais écrites. Mais aussi « The Time of Times », « The Long Way Round » ou « One Last Dance ». On s’attache à cet album comme à un vieux pull déformé et plein de trous. Une certaine définition du bonheur, non ?
– Le site de Badly Drawn Boy