Cet entretien était prévu déjà de longue date pour le jour de leur concert à l’Ancienne Belgique, en première partie de Shearwater.
Le jour en question, cependant, un rhume carabiné, avec maux de tête insupportables, m’empêche d’assister à ce concert et à l’interview prévue dans la foulée. Ayant déjà préparé les questions, je les envoie à Bram. Le lendemain, dans l’après-midi, Bram a répondu à toutes les questions par écrit et me les renvoie, avec une générosité inouïe. Les voici donc.


Pourquoi ce nom – Tomán – qui est la monnaie iranienne ?

– Wouter avait vu un film au sujet d’une cruche et dans ce film, on payait avec des toman… Il a trouvé que cela sonnait bien et on en a fait notre nom.

Vous apportez un soin particulier à la pochette. J’imagine que pour vous un disque ne se réduit pas à de la musique.

– Non, en effet. Par ces temps de piraterie et d’internet, il est important d’attirer le regard pas seulement avec la musique, mais aussi avec l’emballage. On a tout fait nous-mêmes, du site web à l’artwork, des t-shirts au booking. Nous sommes des perfectionnistes dans le sens où l’on veut tout contrôler autant que faire se peut. Ainsi nous sommes sûrs que ce que nous présentons est ce que nous voulons vraiment présenter. Les images illustrent l’atmosphère de notre musique, donc…

Quel style musical est exactement le vôtre ?

– Notre style musical ? Pfff, je pense que nous jouons de la musique mélancolique, de temps en temps un peu répétitive. La mélodie est très importante. C’est difficile de parler de notre style… Nous jouons sans penser à un quelconque style. Je pense que certains gens vont dire post-rock ou indé, mais ce sont des mots qui ne veulent pas dire grand chose…

Vous faites plutôt de l’instrumental. Pourquoi ?

– La voix est un instrument comme un autre… Au même niveau qu’une batterie ou qu’un mélodica, voilà pourquoi. On n’a pas de grand message. Lorsqu’on utilise des chants, les mots sont choisis parce qu’ils sonnent bien, pas parce qu’ils ont un sens.

Concernant le processus d’enregistrement : la base est-elle une sorte de jam session ou tout est-il écrit à l’avance ?

– Ça dépend, beaucoup de morceaux de Perhaps We Should Have Smoked the Salmon First sont basés sur des jam sessions dont nous avons coupé les passages ennuyeux. Ça ne veut pas dire non plus que l’un de nous débarque avec un morceau et les autres font ce qu’ils veulent par-dessus. Wouter vient avec une base et les autres remplissent le morceau. Ou Lode vient avec un jeu de batterie. Je pense que nous n’écrivons pas de chansons dans le sens strict du terme, on joue et l’appétit vient en mangeant.

Ce côté instrumental donne à votre musique un côté très visuel. Avez-vous des projets cinématographiques et/ou documentaires ?

– Pourquoi pas ? Pour le moment, on s’est concentré sur la musique, mais dans le futur on veut faire plus de vidéos ! Sur le CD il y a deux petites vidéos. Un clip de « I Thought You Were My Pal », qu’on a enregistré par hasard lors de notre dernière tournée aux Pays-Bas et un autre clip dans le studio. On aimerait bien composer une bande originale de film, mais il faut qu’il y ait une demande…

Quelles sont vos références en la matière ?

– Les films… Pour Wouter c’est Fellini. Pour Jens, Lode et moi-même c’est Requiem For a Dream de Darren Arronofski. Robert Altman pour Jens, ou Mulholland Drive de David Lynch ou Ken Loach pour moi. Nous aimons aussi le documentaire sur James Nachtwey, un reporter de guerre sans frontières. Bref, le cinéma alternatif (quel horreur ce mot !).


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La trompette ne fait pas partie du quatuor. Comment est venue la chose et avez-vous envie d’intégrer la trompette totalement dans le futur ?

– Quand nous enregistrions Perhaps We Should Have Smoked the Salmon First il y avait un type qui devait venir jouer des cuivres, mais il y eu un malentendu et il n’est jamais venu. Donc, on a demandé à Dirk Miers (le technicien et propriétaire du studio) : « connais-tu quelqu’un qui sait jouer de la corne ou de la trompette ? » Dirk nous a répondu que lui-même jouait de la trompette, et voilà la trompette sur le disque… C’était juste un one shot, comme ça, et la trompette ne va pas être intégrée live, Tomàn reste un quatuor avant tout. Nous aimons la distinction entre un disque et les concerts live. Si les concerts sonnent exactement comme le disque, pourquoi venir voir les concerts ?

Sur les titres chantés : comment cela se décide-t-il et qui écrit les paroles (je pense aux paroles surréalistes de « They Storm In »)?

– Wouter chante quelque chose et tout le monde le corrige, ou il se corrige lui-même jusqu’à ce que tout le monde soit content.

Qui parle sur « They Storm In » ?

– C’est le président Truman qui explique pourquoi tout le monde doit regarder les Etats-Unis…

Dans quel état d’esprit avez-vous enregistré cet album ? Etes-vous influencés par la littérature, la musique etc… pendant l’enregistrement ? Si oui, qu’est-ce qui a joué un rôle dans l’enregistrement de votre dernier album ?

– Nous étions heureux comme des enfants dans le studio. Sept jours avec rien d’autre que la musique, nous n’avions désiré rien d’autre que cela. Nous croyons en notre musique ! Il n’y avait pas beaucoup de temps pour d’autres choses que le disque à ce moment-là, mais on a trouvé le temps de regarder (de nouveau !) « Het eiland » (ndlr : célèbre série humoristique flamande), toute la série, à 3 heures du matin et tout ça. C’était chouette !

Pour ce qui est de la littérature, nous lisons des livres, mais il est difficile de dire si ça influence notre musique. Je pense que la musique de Tomàn est un amalgame de tout de ce qu’on a vécu, de la musique à la littérature en passant par les problèmes du monde ou nos amis…

Que pensez-vous des comparaisons avec Grandaddy ?

– On aime beaucoup Grandaddy , ainsi que leur esprit, mais je pense que notre musique est plus mélancolique. On aime leur esprit du respect pour la nature, je sais qu’ils ont donné de l’argent à un projet pour les albatros en Californie, et ça c’est vraiment bien !

Que pensez-vous de la scène belge ?

– La scène belge, hum, c’est bien qu’il y ait tant de groupes dans des styles aussi variés ! La seule chose que nous n’aimons pas tellement est cette frontière au milieu du pays. Les échanges entre les deux parties du pays sont pauvres. Nous avons eu quelques chances de jouer en Wallonie (Rhâââlovely festival, Jaune orange nuit à Liège), mais en général, ça reste rare, et c’est dommage. Combien de groupes wallons est-ce que le flamand moyen connaît et vice versa ?

Quel rapport entretenez-vous avec De Portables?

– De Portables sont nos grands héros. Nous partageons un local de répétition à Gand. Jürgen a mixé notre premier album, nous avons fait un concert ensemble (à Knokke, 2 heures Tomàn/Portables crossover). Jürgen a aussi joué avec nous sur Feeërieën 2005 (Tomàn vs Köhn). Ils ont un esprit similaire au nôtre. Ils sont des soul mates musicaux !

Avez-vous participé à l’événement 0110 contre la montée du Vlaams Belang avant les élections? Qu’en pensez-vous?

– Non, nous n’avons pas participé à 0110… Il faut qu’on te le demande, et personne ne nous a demandé d’y participper… Ceci dit, nous comprenons qu’un évenement comme 0110 soit pour les grands noms, les artistes populaires. On supporte le message de 0110 en tout cas !

Quels sont vos 5 disques de chevet ?

Bram :
1. Mogwai – Mr Beast

2. De portables – Op Visite Bij Tante Klara

3. dEUS – Worst Case Scenario

4. At the Close of Everyday – The Silja Symphony

5. My Morning Jacket – The Tennessee Fire

Lode :

1. Mogwai – CODY

2. The Notwist – Shrink

3. Pinback – Summer in Abandon

4. Constantines – Shine a Light

5. Reply – Rage Scream Live

Wouter:

1. Mogwai – CODY

2. Orange Black – Morning Notes

3. De Portables – Girls Beware

4. The Smashing Pumpkins – Siamese Dream

5. Tristeza – Dream Signals in Full Circles

Jens :

1. Logh – Every Time a Bell Rings an Angel Gets His Wings

2. Mogwai – CODY

3. Radiohead – Kid A

4. De Portables – Girls Beware!

5. The American Analog Set – Know by Heart

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