Un français dévergondé tente de fondre guitare folk et bleeps laptop en une poésie sonore hybride. Une (double) bonne surprise.


Petite curiosité. Tapez Double U sur Google et vous tomberez sur un nombre incalculable de groupes du même nom. Parmi les curiosités recensées : un groupe de viking rock originaire de Portland, un duo pop de midinettes japonaise ou encore un Boys band 90’s rayé de la surface de la terre (remember le tube “I Miss You”, pour les musicologues). Coincé au milieu de cette page web, Franck Roubeyrolles, aka Double U, fait figure de noble résistant de la cause musicale.

Originaire de Montpellier, ce musicien/DJ touche-à-tout a opté pour l’épanouissement solo en 2002, après avoir fait ses classes dans diverses formations rock exercées entre deux pauses de son emploi de disquaire. Ces deux premiers albums en solo remarqués lui ont ouvert les portes de la notable petite famille folktronica hexagonale, aux côtés des anglophones Davide Balula et Syd Matters.

Adepte du découpage sonore au ciseau numérique, Double U crayonne au préalable des mélodies acoustiques flâneuses. La suite est un enrobage de contours synthétiques imprécis, assemblage d’instruments organiques samplés et de parasites électroniques. On retrouve dans cet esprit de bricolage sanguin la séduction des premiers Folk Implosion, plongé dans un état de serénité. Signe peut-être de son arrivée sur le pointu label électro Nocturne, Blosphorus a un charme moins désordonné que ses prédécesseurs. C’est un disque à l’écriture filtrée où le chant semble moins balloté au milieu d’un confluent où se rencontrent écriture folk claire et electronica agitée. Quelques mélodies mordent facilement à l’hameçon (“Golden heart”, “She Lies”), tandis que d’autres plages naviguent davantage vers des rives atmosphériques (l’austère “Satisfaction”, l’urbain “Blue things”).

Entre équilibre retenu des habillages synthétiques chaleureux et pincements de cordes de guitare sèche aux couleurs folk, bossa, voire jazz, de Blosphorus émane un vague à l’âme envoûtant (“Come To Me”). Mais plus on creuse l’écoute, plus ce disque semble prendre le large, s’échouer quelque part vers Istambul (le disque en tire son inspiration) où quelques percussions trahissent de subtiles incursions world (“Love is Not”). Il faudra attendre la ghost track pour que Franck Roubeyrolles révèle une facette plus tordue de son folk, dont la voix devient tout à coup ensorcelée sur le coup d’une réverbe incantatoire.

A l’inverse de cet environnement radieux, les textes se font par contre plus crépusculaires. Le ton désincarné se mesure dès « 71 » qui semble régler des comptes personnels sans pudeur : «I was Born in 71, you left me in 79. I’ts been a long time». Au service de sa majesté la folktronica, l’agent Double U cache ainsi une double identité bien mystérieuse et addictive.

– La page Myspace de Double U