A l’image de la splendide photo hivernale qui orne la pochette du nouvel album de Wayne Horvitz, la musique de Way Out East conjugue la beauté figée des paysages enneigés aux songes pastoraux de musiciens raffinés. Peggy Lee au violoncelle, Ron Miles à la trompette et Sara Schoenbeck au basson forment, avec Horvitz au piano (qui appose également ici et là quelques touches discrètes d’électronique), un ensemble de doux rêveurs emprunt de gravité. Une gravité que l’on ne se saurait confondre toutefois avec une quelconque forme d’austérité. Sous la froideur apparente de ce jazz de chambre gît une émotion tenace, qui a la pudeur de se découvrir délicatement au fil d’un album prenant soin d’avancer lentement, selon le rythme harmonieux de morceaux qui dialoguent intimement avec le silence. A travers cette savante rétention de notes s’entend une palpitation aux nuances sonores infinies et perce une sourde lumière qui dessine les contours abstraits d’une musique impressionniste. Le quartet développe un sens aigu du détail harmonique, notamment sur “Berlin 1914”, le morceau phare d’un album qui scintille par ailleurs de toutes parts, emmené par une douce valse dont les délicates dérobades avant-gardistes amplifient la course fragile et magnifique. Les mariages réussis entre jazz et musique classique (contemporaine) ne sont pas légion. Celui qui a donné naissance à Way Out East s’avère tout à fait remarquable.
– Le site de Wayne Horvitz