En matière de laboratoire sonore, Subtle, le collectif déviant de DoseOne et Jel, les deux éminences grises d’Anticon, est une référence aujourd’hui incontournable. Et ce n’est pas ce dernier disque (le troisième) qui viendra nous donner tort : la richesse en sons n’a d’égale que l’extrême sophistication des compositions qui rend d’ailleurs les premières écoutes de For Hero : For Fool harassantes. Chaque morceau de l’album est conçu comme une odyssée musicale truffée de perspectives mélodiques et d’idées d’arrangements qui entre vaguement en résonance avec la précédente ou la suivante. Les couches sonores, aux contours plus ou moins flous, s’amoncellent comme dans un processus onirique, lorsque les différents états de conscience et d’inconscience se confondent. Une impression d’agréable confusion se dégage, renforcée par le flow magnifiquement cadencé et les rimes millimétrées surréalistes de DoseOne. L’auditeur est ainsi convié à glisser d’une strate sonore à l’autre, sans discernement et sans chercher absolument à déceler une logique que l’album, de toute façon, lui refuse. Semblable écoute nécessite certaines dispositions (en premier lieu l’éviction de ses certitudes) et va à l’encontre de tout formatage stylistique et saucissonnage abusif (pris séparément les morceaux perdent de leur mystère et ne reste alors, pour certains, que l’impact physique). Avec “The Ends”, l’album s’achève sur un dernier morceau gigogne où les fantômes sémillants des Beach Boys viennent hanter une cadence abstract hip-hop, avant de s’allonger, las, sur le sol d’une salle d’aéroport insonorisée par Brian Eno. Tout un programme.