A ceux qui pensent que Explosions in the sky n’a absolument rien inventé et se demandent ce qu’on peut bien leur trouver, ce disque est pour vous.
Il y a, au sein de chaque rédaction, des discussions enflammées sur des sujets pour la plupart anodins – on affectionne particulièrement ces petites batailles qui reviennent au fameux « la mienne est plus grande que la tienne », ou, si vous préférez, aux discussions de récré, puis d’unif, donnant à leurs protagonistes l’impression d’exister.
L’un de ces débats ô combien vitaux concerne ce que l’on a coutume d’appeler le post-rock. Dernièrement, au festival de Dour, pendant le concert des japonais de Mono, on avait lâché avec dédain un « avec Godspeed You Black Emperor ! tout a été dit, il n’y a rien à ajouter ». Même le label fétiche du genre, Constellation, écurie des Godspeed, semblait faire dans la redite et le manque d’inspiration, ou, au mieux, la caricature. C’était oublier l’un de ses piliers : Do Make Say Think (tout un programme), vétérans canadiens actifs depuis 1995 (les grands espaces semblent inspirer ses habitants), chez qui les cuivres apportent ce je ne sais quoi qui fait que ça le fait (comme les violons chez Godspeed).
Alors que beaucoup bavent devant les Explosions in the Sky, il est temps de rappeler que DMST est une diable de musique sacrément transmissible. Pour preuve, on a droit à des expériences de laboratoire sur « You, You’re a History in Rust » qui franchement dâment le pion à toute la concurrence. Contrairement aux Explosions in the Sky (quel nom tarte, tout de même), on évolue sur des terrains bien plus variés, risqués, volubiles, inspirés, prolixes. Des plages douces, voire douceâtres, et méditatives côtoient de véritables chamboulements terrestres (écoutez la chose à fond de balle). La plupart du temps, sur un même titre, on dénombre jusqu’à trois ou quatre déviations, que l’on pourrait aisément déstructurer en autant de mouvements, comme une symphonie classique, avec ses adagio, andante – ma non troppo -, menuetto, scherzo, allegro vivace, Poco sostenuto, presto, finale (et quel final !).
« The Universe ! » à lui tout seul vaut l’achat de la galette – qui, comme à l’accoutumée chez Constellation, offre bien plus qu’une bête boîte en plastique, faisant coïncider contenant et contenu. Très proche d’un style que l’on pourrait qualifier de Mars Voltesque, leur lave inonde les oreilles pour mieux les violer ensuite. Les violons du final ne font qu’accentuer cette impression.
Autre summum du disque, à l’opposé total du précédent : la ballade à la guitare acoustique (« A Tender History in Rust), avec ses chants faussement décalés et ses sifflements légers qui succèdent à une nappe de bruitage post-trauma sismique introductive. Les boucles étourdissantes de la basse, des cris et des clappements de « Herstory of Glory » achèvent de vous abrutir. Et que dire de « Executioner Blues » ?… Non, DMST n’est pas un de ses disques qui s’écoutent : il se vit.
L’explication de ce foisonnement extraordinaire, de ce croisement de styles, de ce choc des cultures musicales (punk, jazz, classique, folk, électro…) réside peut-être dans deux aspects. D’abord, le groupe fait tout de A à Z, comme les artisans. Ensuite, ses membres évoluent aussi dans d’autres groupes (Justin Small dans Lullabye arkestra ; Charles Spearin dans Broken Social Scene et KC Accidental ; Brian Cram dans Gesundheit) et activités (Ohad Benchetrit et James Payment sont devenus des producteurs à part entière dans leur studio de Toronto th’Schvitz).
Bref, vous l’aurez compris, ce disque – à ne point douter premier nominé de la cuvée 2007 – fait son effet boeuf – à peu de choses près le même que ceux de Squarepusher ou The Mars Volta.
– Le site de Do Make Say Think.