La griffe Gruff Rhys va laisser quelques jolies traces avec son épatant premier album en anglais, folle mosaïque de styles à la vue d’ensemble étonnamment homogène.
Ha, qu’il est bon de se surprendre. Il faut l’avouer, les derniers états de service de nos chers gallois Super Furry Animals ne nous avaient guère retournés. Entre un Love Kraft à moitié raté, enfoncé dans la « hi fi pop » ultra moelleuse et le premier ouvrage solo de Gruff Rhys entièrement chanté en gallois, on désespérait d’entendre un disque de la trempe de Radiator, meilleur album Brit pop en son temps, ou encore les épanchements électroniques disjonctés du visionnaire Guerilla (sans omettre les excellentes tenues de Rings Around The World et Phantom Power). Comprenez donc que nous n’attendions pas grand chose de ce second album en solo du sympathique chanteur des Super Furry. Et il nous faut donc revenir sur nos jugements hâtifs : le vieux lion mord encore, et ses canines sont diablement affûtées. Avec l’épatant Candylion, la voix des Super Furry Animals a manifestement repris du poil de la bête. En plus du petit lion cartonné affiché sur la couverture, Rhys nous a confectionné un superbe joujou interactif, alliant écoute ludique et approche empirique.
Enregistré en deux semaines au printemps dernier sous la houlette du producteur Mario Caldato Jr (déjà là depuis Phantom Power) et des arrangements orchestrés par le grand Llamas Sean O’Hagan, Candylion nous dispense une magistrale leçon de collage pop bigarré, qui tout compte fait sonne comme une récréation géniale. Onze titres mixant avec brio les interférences des genres, pop, folk, thème de jeu vidéo et exotisme léché. L’influence bossa du producteur brésilien imprègne ainsi chaudement le disque, comme sur le carnavalesque “Gyrru Gyrru Gyrru”, “Painting People Blue”, le cotonneux “Con Carino” ou encore “Skylon !” une samba marathon de 14 minutes avec flûte traversière et cordes de guitare nylon détendues comme celles d’un hamac. On s’y prélasse, bercé par le doux chant de Lisa Jen (9BACH) qui officie sur les trois quarts du disque. On se laisse émoustiller par les mélodies boisées de “Candylion”, “The Court Of King Arthur” ou sur le cross-over “Lonesome Words”, contraste saisissant de percussions mutines et cordes chatoyantes façon Ennio Morricone dans le « Le Spécialiste ».
Cisaillant de toutes parts sa folk, Rhys libère enfin la bizarrerie des (engourdis) Super Fury Animals sur “Now That The Feeling Is Gone” et laisse même échapper un single instantané, “Beacon In The Darkness”, le camp gallois doit s’en mordre le chapeau d’avoir laissé filer une telle perle… Mais plus que tout, à l’instar de la folk fourre-tout du compatriote Euro Childs, la musique de Gruff Rhys reste, malgré ses recherches, hospitalière et plus que tout respire le bonheur, chose qui, vous en conviendrez, est une denrée musicale plutôt rare.
Une bonne nouvelle ne venant jamais seule, tandis que les Super Furry Animals mettent la dernière touche à leur nouvel opus, leur intenable chanteur prépare déjà un disque avec le producteur phare d’Anticon Boom Bip auquel ils ont déjà convié The Magic Numbers, Spank Rock et Har Mar Superstar. Ils sont fous, ces gallois !
PS : Ne trouvez-vous pas une étrange similitude physique entre le visage sage de Gruff Rhys et le noble lion du dessin animé Madagascar ? Allez, j’arrête le coca-fraise.
– Le site de Candylion