Il ne faut pas s’étonner, avec un nom pareil, que la musique de Port-Royal soit si austère. Mais, cela lui donne probablement plus de cachet, une spiritualité bienvenue dans ce monde du post-rock peuplé d’habiles (et ennuyeux) artisans. Oui, cela fait bien quelques années que le post-rock tourne en rond ; ces dernières années, on n’a pas souvenir de déflagrations comparables à ce que furent en leur temps Millions Now Living Will Never Die de Tortoise, ou la véritable pierre angulaire post-rock (post-tout) le Spiderland de Slint, un album qui n’a toujours pas été dépassé. Port-Royal, des Italiens – première originalité – ne font pas grand chose de nouveau, mais ils le font particulièrement bien. Rien ne conviendrait mieux pour définir leur musique que la toile de Mark Rothko qui illustre la pochette : de longs aplats de claviers et d’électronique cotonneuse, une trame assourdie sur laquelle se détachent une mélodie fragile, quelques arpèges de guitare, des accords de piano, ou parfois dans le cours de l’album de l’électro bruitiste, qui rompt un peu avec la linéarité ambient du morceau d’ouverture. En effet, cet album se situerait entre les Ambient Selected Works d’Aphex Twin, Loscil ou quelques groupes pointus d’electronica et les morceaux les plus atmosphériques de Mogwaï. Cette synthèse assez immersive, qui vous fera plonger au fond des mers, dans des immensités d’un bleu opaque et profond, est le résultat d’un travail de deux ans, dont on attend avec impatience le prolongement – pour bientôt -, en espérant qu’ils se renouvellent. En tout cas, on saura gré à cet album de nous ouvrir de vastes espaces de méditation, sans jamais être prétentieux ni laborieux. On pourrait même à son propos parler d’un certain mysticisme, impression accentuée par le long travail qui a été effectué sur ce disque, le goût pour Mark Rothko et enfin le nom du groupe, qui nous ramène aux grandes heures du jansénisme et de l’abbaye de Port-Royal. Vous imaginez une cellule de moine ? Cet album est une cellule de moine, dénudée, reposante, vide de tout, sauf de la présence extatique du divin parfois. C’est vraisemblablement ce que le groupe a voulu exprimer sans toutefois y parvenir tout à fait, mais c’est déjà pas mal de nous en avoir donné une idée.
– Le site de Port-royal