Dans la continuité d’un premier album euphorisant et remarqué, James Murphy et son groupe, toujours aussi disposés à faire bouger nos hanches en mixant leurs références, signent une suite plus dense et cohérente. A cette occasion, plusieurs rédacteurs de Pinkushion sont entrés dans la danse et témoignent de leur enthousiasme, mais aussi de leurs réserves.


Laurent

La voilà la révolution de l’internet : un album qui ne devait sortir qu’en mars, mais que presque tout un chacun s’est déjà procuré sur le web et qui a déjà fait office d’un sacré buzz avant sa sortie officielle. Si ce n’est pas la fin des médias traditionnels ça, on ne sait trop ce que c’est… On a longtemps hésité à parler de l’album ainsi, à l’avance, au grand dam non pas du label, mais de l’artiste lui-même, car on pourrait qualifier la manoeuvre d’incitation au téléchargement illicite. On a préféré attendre, mais force est de constater que l’on est vite passé de la théorie à la pratique en ce qui concerne le web. Quitte à paraître has been…

Ne tournons pas autour du pot : le dernier LCD Soundsystem est bon, très bon même.

Ceux qui ont été conquis par la bombe larguée par James Murphy en 2005 le seront tout autant , voire plus par celle-ci. Au menu, encore et toujours tout ce qui fait qu’on aime le new-yorkais, manager du label DFA (The Rapture), porte-drapeau de tout ce renouvellement punk dance made in big apple, mélange de dance et d’esprit foutraque, collant à la perfection à notre époque tourmentée… On a envie de se bouger les fesses tout en battant la cadence énervée des titres dansants… On a envie de sourire… On aime écouter l’album en faisant quelque chose, mais aussi en ne foutant rien. Et plus on l’écoute, plus on accroche.

Les ballades sont elles aussi toujours de la partie, et évoquent encore une fois le Pink Floyd de l’époque Meddle (« New York I love you »). Pour les autres références, on citera en vrac Kraftwerk, Talking Heads, The Fall, David Bowie, Queens of the Stone Age (« Watch the tapes »), Heaven 17 et même Madonna (premier album), c’est dire s’il est varié. Ici, chez Pinkushion, on l’écoute quasi non-stop et on parie les yeux fermés sur sa présence dans les tops de l’année 2007. On retiendra la consistance de l’oeuvre, qui semble bien mieux tenir en un tout et avoir un sens en tant que tel.

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Denis

Les premiers singles de LCD Soundsystem avaient provoqué une onde de choc retentissante, et c’est avec un clin d’oeil appuyé que James Murphy débute son second album avec « Get Innocuous », qui réussit à pomper allègrement son propre hit « Losing My Edge ». Mais après quelques minutes, le morceau devient un tel foutoir jouissif qu’on en vient à ne plus se poser de questions, sauf peut-être se demander comment il fait pour caser autant d’idées et de trouvailles sonores dans un seul et même morceau.

Et des trouvailles sonores, on en trouve tout au long des 55 minutes d’un album dense, qui nécessitera plusieurs écoutes avant de livrer tous ses secrets. James Murphy se paye même le luxe de le clôturer avec un morceau sans beats, une sorte de ballade aux murs de guitares impressionnants et à la conclusion Motown.

Étrange, intéressant mais néanmoins un peu long et répétitif, The Sound Of Silver confirme que Murphy tient un rôle de premier plan dans la mouvance dance-punk.



Paul Ramone

James Murphy est un p’tit rusé, le plus fin stratège actuellement sur la place new-yorkaise. Après avoir produit/façonné quelques groupes locaux à son image puis les avoir laissés sur la chaussée (Radio 4, The Rapture), après avoir mené magnifiquement sa barque sur son label pointu DFA et signé en seigneur chez EMI, et pour avoir enfin officié en tant que DJ de luxe chez les monstres Gorillaz ou encore The Chemical Brothers, le monde semblait lui être acquis ou plutôt battre au rythme de sa mesure. Mais – oui, il y a un mais – une petite erreur de parcours a entravé son ascension. La faute à un premier album trop attendu, livré trois ans après le single détonant “Losing My Edge” qui aura vite fait d’atténuer le vent en poupe soufflant sur lui. Malgré quelques bons singles, la baudruche « hype » s’était dégonflée. Ceci étant, James Murphy a indéniablement laissé son empreinte sur le paysage électro/rock de l’année 2005. Son savoir-faire érudit du tempo sali et suintant a fait date, pillé dans les disques No Wave de Liquid Liquid, ESG, et les grands pontes Talking Heads. Tout comme le groupe de David Byrne, LCD Soundsystem recycle les genres avec une touche arty et une cohésion surprenante.

Dans ces circonstances, nous n’avons pas déroulé le tapis rouge à l’annonce du second album de LCD Soundsystem, mais ceci s’avère peut-être une bonne chose finalement (cette fameuse hype d’ailleurs dont les chiffres de vente paraissent ridicules par rapport au battage médiatique escompté, mais ça c’est une autre histoire…). Car sans s’y attendre, Sound Of Silver enfonce le clou. L’entrée dans le Club LCD Soundsystem se veut moins « select » : le physionomiste reluque toujours vos sapes à l’entrée, mais ce qui a changé, c’est le sourire. Le but en soi reste le même : embraser les foules, faire danser jusqu’à la syncope, mais James Murphy a insufflé de l’âme dans ses compositions. Sans modifier la donne, tout devient plus évident, plus clair. Tout en restant intransigeant sur la qualité intrinsèque du produit fini. Quelques singles calibrés sont prêts à déferler tels que “ North American Scum” (portrait ironique du new yorkais bien pensant) ou “Time To Get Away”. Sur ce dernier, Murphy en chanteur épileptique joue de ses hoquets qui deviennent à leur tour patterns… Tout ici est donc affaire de rythme, et plus ce rythme s’allonge, plus il devient audacieux (les transes incandescentes “Someone Great” et “All My Friends”). “Get Innocuous”, odyssée du groove sur plus de 7 minutes, lorgne sur le génial “Bootylicious » des Destiny’s Child dont le gimmick de guitare diabolique – entrée fracassante à 5:18 minutes chrono – était déjà chipé à Fleetwood Mac. A la lumière du Mirrorball, nous y voyons plus clair dans le jeu de Murphy. L’homme rêve de faire renaître les orgies dansantes du mythique Studio 54 sur Manhattan : des soirées décadentes où les baffles de la sono faisaient communion avec un public halluciné en quête du tempo ultime susceptible de prolonger la nuit ad vitam eternam. Sound of Silver nous apporte tout ça sur un plateau d’argent.



Julie L.N.

edp2781-005-LF.jpg L’unanimité semble de rigueur dès lors qu’il s’agit d’aborder ce nouvel album, tant attendu, de LCD Soundsystem. Sûr que la nouvelle livraison de James Murphy s’est fait attendre, précédée par la réputation à tenir de son géniteur, savant fou particulièrement doué, qui mixe sans complexe des genres musicaux divers : électro, dance, punk (dans l’énergie, du moins). Histoire de tempérer un peu l’enthousiasme sans borne de mes collègues – et de passer, par la même occasion, pour le Caliméro de la bande – j’apporte quelques nuances quant à l’appréciation de ce Sound of Silver. Néanmoins, il faudrait être de bien mauvaise foi pour nier l’efficacité d’un tel album – je défie quiconque de résister, notamment, au rythme funky de “Time to Get Away”! Mais le revers ce cette urgence risque d’être une lassitude précoce, sur les morceaux les plus répétitifs notamment : “Get Innocuous”, qui ne prend son ampleur que sur la partie chantée, aurait pu nous épargner une ouverture assez convenue. “North American Scum” et sa rythmique 80’s taillée pour Canal+ s’avère vite agaçant. Même le riff de “Watch the Tapes” qui semble emprunté aux Stooges, réactualisé à la sauce électro, montre, après quelques écoutes, ses limites. En fait, c’est quand James Murphy s’éloigne un peu des exigences du dancefloor qu’il me ravit le plus : sur la ouate organique de “Someone Great”, ornée d’un xylophone. Ou sur le doublé “All My Friends”-“Us vs Them”, qui fait revivre, plus vraie que nature, l’électro pop classieuse de New Order – les percussions en plus. Sur le finale “New York I Love You But You’re Bringing Me Down”, la voix éraillée de James Murphy, qui cachait bien son jeu de crooner déchu, est sublimée par le piano. Preuve que le talent multiforme de James Murphy sait encore nous réserver quelques surprises. Sound of Silver en est une – bonne – à défaut d’être un petit miracle.

– Le site LCD Soundsystem.

– La page Myspace.