La bande à Paul Smith a toutes les qualités requises du groupe de rock vénérable. Hélas, les théories de la probabilité ne sont jamais fiables dans le monde du rock.
Sur papier, les Maxïmo Park incarnent l’image du groupe de rock idéal. Musiciens lettrés et soucieux de leur apparence (visuels d’albums léchés, sapes impeccables), leurs traits du visages trahissent une assurance autrefois aperçue chez les Smiths, cette certitude teintée d’arrogance d’être dans la vérité. Oscar Wilde les aurait adorés…
Les accords électriques pressurisés d’A certain Trigger en 2005 s’interprétaient comme une réponse britannique à l’invasion rock new yorkaise quatre ans après le manifeste des Strokes, Is This It. Les gentlemen agités affichaient quelques attributs aguicheurs : le premier groupe de rock « vintage » à signer chez le laboratoire électro Warp, un chanteur/parolier qui cultive sa différence (Paul Smith, non, pas le créateur tendance de la ligne de vêtements british), enfin un sens aiguisé du riff alambiqué et assassin – lorsqu’ils s’en donnent la peine. Ceci dit, vous aurez beau chercher sur notre moteur de recherche, vous ne trouverez point de chronique d’A certain Trigger en nos pages. Le disque était bien parvenu jusqu’à nos oreilles – nous l’avions même courtisé – pourtant, l’envie d’en parler ne s’est étrangement pas manifestée, sans trop savoir pourquoi. Reste en mémoire les étourdissantes offensives “Apply Some Pressure”, “Postcard of a Painting” et “Graffiti” qui avaient permis à nos lascars de rester dans la lumière jusqu’à ce second opus servi étonnamment dans les temps (deux ans tout juste).
Si l’on ne sait trop quoi penser de l’implication de Gil Norton dans l’affaire – le producteur des Pixies ne s’étant pas vraiment distingué depuis plus de quinze ans – force est d’admettre que le vétéran s’en tire honnêtement : sans non plus bouleverser la donne du premier album, disons que Our Earthly Pleasures ne souffre pas d’effet surpondéral. Quelque part entre les Strokes, Smiths et le early REM, les Maxïmo Park dissimulent dans leur besace des singles épatants, parfois même géniaux tels que “Our Velocity”, et son refrain pop à double tranchant qui prend au piège l’auditeur, ou encore “Books From Boxes”, peut-être le meilleur single de REM depuis Automatic For People, rien de moins.
Hélas, ô grand hélas, le résultat d’ensemble est en demi-teinte. En dépit d’être superbement exécuté, Our Earthly Pleasures souffre des mêmes faiblesses que dévoilait, après-coup, A Certain Trigger. Ceci expliquant finalement notre silence initial… Comme si le quintet se vidait progressivement de son énergie à mesure que la trotteuse se rapproche des 40 minutes fatidiques. Quel dommage, car Maxïmo Park a toutes les cartes en main pour devenir énorme. Le jeune quintet britannique du nord n’est tout simplement pas entraîné à courir les distances marathons – ce sont des athlètes du 100 mètres. Sur distance courte, ils coiffent pratiquement consorts & co, mais sur la longueur, leur souffle les prend en traitre. Un peu comme les Buzzcocks en leur temps, un groupe surdoué qui n’est jamais parvenu à pondre un album majeur, tout en léguant derrière lui une ribambelle de singles rentrés dans la légende. Les signes de fatigue se traduisent particulièrement sur le dernier titre de l’album “Parisian Skies”, qui ne parvient pas pleinement à exploiter son potentiel. On ne peut s’empêcher d’imaginer ce qu’il serait advenu de ce pont proprement prodigieux si le groupe s’était un peu plus penché dessus.
Les Maxïmo Park courent manifestement contre le temps sur Our Earthly Pleasures. Mais en élèves acharnés et appliqués comme on les connait, leur endurance mise à rude épreuve ces prochains mois devrait se transformer en expérience et marquer des points sur leur prochain opus. Paradoxalement, leur règne futur n’est qu’une question de timing.
– Le site de Maxïmo Park