Sans ambages, ce nouveau collectif de francs-tireurs monté sous la houlette du slameur D’ de Kabal impose avec autorité une démarche politique qui va droit au but : déstabiliser l’auditeur, le faire vaciller sur ses appuis, l’envoyer dans les cordes et le mettre KO. Ni aimable, ni séduisante, cette musique lui rentre dedans pour le faire réagir, remuer ce qui lui reste de convictions et susciter une prise de conscience, fut-elle épidermique. L’urgence du combat n’est plus aux tièdes discours. Ce slam ignore les fioritures jazzy des corps malades, il s’acoquine plutôt avec une liberté d’action instrumentale qui ignore la sérénité ou les postures rassurantes et fédératrices. Grandiose, sauvage, la guitare électrique du jazzman free Marc Ducret (à laquelle se joint celle de Franco Mannara, aussi aux claviers et aux effets de voix) rôde comme une bête affamée et menaçante, toujours prête à bondir et déverser sa rage. La basse de Professeur K (ancien membre de la formation rap Kabal) bat quant à elle, implacable, le tempo et semble se battre contre quelque force obscure ; tandis qu’au diapason la batterie d’Alix Ewandé scande de manière binaire et obsessionnelle une durée immuable. A travers un dédale de sombres morceaux qui ne s’accordent aucun répit, émerge une musique massive, tout d’un bloc, ramassée que la voix d’outre-tombe de D’ sculpte à coup de phrases tranchantes et d’idées abrasives. Monocorde, trop longue (le groupe aurait sans doute gagné à resserrer son propos qui déborde ici sur deux CDs), paradoxale (les textes de D’ appellent l’ouverture d’esprit alors que la musique est loin d’être abordable par tout un chacun), parfois plombée par des mots entravés dans une solennité dommageable, La Théorie du K.O est une proposition musicale qui ne convainc pas totalement, mais dont l’intégrité artistique ne fait aucun doute et se révèle tout de même des plus salutaires.

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