Le contrebassiste Henri Texier vagabonde depuis de nombreuses années sur les terres d’Afrique en accordant le sens de ses pas avec l’essence de sa musique. Ainsi va Alerte à l’Eau, cet « appel au partage de l’eau » – comme il est indiqué dans le livret – qui commence là-bas, de l’autre côté de la Méditerranée, en ce lieu aride et sableux où l’eau n’est souvent qu’un mirage. La flamboyance de l’entame (“Afrique à l’Eau”) et la quête du rythme vital (“Ô Africa”) indique en effet combien ce nouvel album évolue sur les traces de la précédente Suite Africaine (1999). Le personnel aventureux a depuis changé, au trio d’arpenteurs aguerris (Texier/Sclavis/Romano) s’est substitué un Strada sextet virevoltant déjà entendu sur (V)ivre (2004), mais le ton, la force de persuasion et l’engagement restent les mêmes. Cette musique-là ignore les creux ou les pannes sèches, partout l’inspiration se déverse, les instruments giclent, l’enthousiasme déborde. Entre les “Flaque Nuage”, “Flaque Etoile” et “Flaque Soleil”, dont l’étendue faussement stagnante suffirait déjà à nous rasséréner, les compositions éclaboussent, cheminent avec une vitalité jamais prise en défaut. Elles s’insinuent aux confins d’une tribalité assumée (l’embardée explosive à la batterie de Christophe Marguet sur “S.O.S MIR”), du free (la danse trépidante du saxophone alto de Sébastien Texier, bousculé par l’imposant baryton de François Corneloup sur “Ô Africa”), du rock débridé (le solo de guitare électrique du tonitruant Marc Ducret sur “Sacrifice d’ Eau”) et des musiques-qui-font-le-monde (“Blues d’Eau”, “Reggae d’Eau”, “Valse à l’Eau”). Entre sérénité et urgence, prend forme une matière musicale à la fois fluide (les plages s’enchaînent en se coulant les unes dans les autres) et primitive (chaque morceau donne toutefois le sentiment de pouvoir à tout moment sortir de ses gonds), qui doit s’entendre comme un formidable appel à la diversité des idées et au mélange des moyens. Belle leçon !
– Le site du Henri Texier Srada Sextet.
– Le site de Label Bleu.