Le Pianiste de Philadelphie nous revient avec un numéro de haute voltige mélodique. Drôlement tarabiscoté et supérieur.
Lorsque nous avions rencontré Brian Christinzio « Camplight » l’an dernier, il était évident que le gaillard nourrissait de grandes ambitions. Le géant – pas seulement par sa taille – nous confiait qu’il était sur le point de concrétiser son rêve le plus fou : enregistrer ses chansons avec un orchestre à cordes ! Notre sang n’avait fait qu’un tour suite à cette révélation et nous attendions la suite de ses trépidantes aventures avec une impatience non feinte. Vu la virtuosité précoce du jeune homme (25 ans), rien ne semblait pouvoir arrêter cet ancien footballeur sur son chemin.
Son premier opus, Hide, Run Away, dévoilait un mélodiste sensible, manifestement éduqué à la préciosité pop des Zombies, Todd Rundgren et Burt Bacharach. S’il est vrai que les ritournelles telles que “Blood and Peanut Butter” et “Parapaleejo” inclinaient de sérieuses prédispositions à la grandiloquence, il faut avouer que le charme résidait aussi en cette écriture opulente, bridée par un budget somme tout assez dérisoire. Le philtre d’amour était similaire à celui versé sur le premier Divine Comedy, Prefab Sprout, Badly Drawn Boy ou encore Grandaddy. D’où cet équilibre particulièrement fragile à perpétuer lors du délicat cap du second album.
En terme de compromis, le décuplé Blink of a Nihilist a gagné son pari en ne cédant pas à la boursouflure. Toujours assisté de Brian McTear (un habitué des challenges en studio impossibles à relever, notamment avec Danielson), B.C Camplight n’a pas encore relégué ses synthétiseurs bas de gamme au cimetière Bontempi (les irrésistibles “Officer Down” et “The 22 Skidoo”). L’épure romantique de “The 22 Skidoo” filerait probablement des insomnies à Paddy McAloon. Sur d’autres, tels l’acrobatique “Suffer for Two” et “Werewolf Waltz”, l’usage revigorant des cordes et cuivres est fait avec modération et bon goût.
Par-dessus tout, ce second volet surprend par sa propension à ne jamais céder à la facilité. Même si le style se qualifie de « pop », le caractère tarabiscoté des compositions de B.C Camplight n’est clairement pas à la portée de tout songwriter digne de ce nom. Il suffit de se pencher sur l’abracadabrant “Soy Tonto !” où les cassures se succèdent à une vitesse effrénée, pour mesurer toute l’étendue de son art. Pianiste hors pair et architecte de l’harmonie, Christinzio ne semble alors exister que pour surmonter des péripéties dans sa course à la « perfect pop song ». Et il faut reconnaitre qu’il se rapproche dangereusement de son but. “Lord, I’ve been on Fire” son dernier tour de force, opérette nappée de cordes et de bruitages électroniques incongrus, pourrait prétendre à ce titre. Ici, le refrain est toujours le grand vainqueur. Sans perdre le fil de la mélodie, sa voix fluette et délicate déjoue les obstacles avec une fluidité déconcertante. On pense désormais au premier album de Frank Black pour cette profusion d’idées à la seconde.
Après cette succession de pirouettes affriolantes, les doigts du pianiste semblent se délier en seconde partie, laissant errer son imagination fertile vers des mini-pièces orchestrales : “Grey Young Amelia” et les choeurs a capella de “I’ve got a bad Cold” que l’on jurerait tout droit sortis des chutes de Smile. Bruit de clochettes, choeurs olympiens, le mimétisme est troublant, de mémoire l’un des plus troublants entendus depuis les High Llamas. Et brillant illusionniste qui plus est… Brian Christinzio a décidément plus d’un tour dans son sac à Malice pop.
– La page Myspace de B.C Camplight