Du Brésil, régulièrement, nous parviennent des albums splendides sur lesquels la versatilité des modes n’a pas d’emprise. Pérolas Aos Poucos, album à la beauté renversante, ne nous fait pas mentir. Sorti officiellement en 2003, mais pas encore distribué en Europe, il est l’oeuvre de Zé Miguel Wisnik, un nom qui sonnera aux oreilles de la plupart comme celui d’un parfait inconnu. Compositeur, pianiste, chanteur, professeur de littérature à l’Université de São Paulo, essayiste, poète, ce Brésilien de 59 ans a enregistré trois albums sous son nom en quinze ans, et participé à de nombreux projets parallèles. Notamment, le spectacle de danse intitulé Parabelo (Grupo Corpo), qu’il mit en musique avec le génial Tom Zé en 1997 (le disque éponyme a été réédité depuis, en 2003, chez Milan/Universal). Enregistré à cette occasion dans sa version instrumentale, le magnifique morceau “Assum Branco” réussit de nouveau à nous bouleverser sur Pérolas Aos Poucos, paré cette fois-ci de paroles chantées par un invité de marque qui n’est autre que le grand Caetano Veloso. Lui donnant admirablement le change, Zé Miguel Wisnik met sa technique vocale irréprochable au service d’une sensibilité à fleur de notes. Sur “Tempo Sem Tempo”, seul au piano, il laisse même éclore les mots dans le silence avec une suprême délicatesse, comme si chacun d’eux pouvait combler un vide et ralentir la course effrénée du temps. Sans comprendre le sens exact des mots (pas de distribution signifie pas de traduction, même en anglais), se devine d’ailleurs tout au long de l’album une temporalité fuyante, suggérée par le recours récurrent au piano qui se faufile et égrène sa mélancolie secrète d’une mélodie à l’autre. Plus proches de l’épure et du classicisme inventif du dernier disque de Chico César que des expérimentations débridées d’un Lenine, les morceaux de Zé Miguel Wisnik privilégient l’économie à l’éparpillement, la suggestion à l’emphase, le détail à l’ensemble, la finesse et la précision du trait à la touche débordante de couleurs. Une certaine idée de la félicité.

– Le site de Zé Miguel Wisnik.