Il est désormais grand temps de jeter son dévolu sur ce chanteur qui en a, ça nous changera de la nouvelle nouvelle nouvelle nouvelle « Nouvelle Scène Française ». Peut-être l’album de la consécration pour Alexandre Varlet.


Troisième album pour Alexandre Varlet, Ciel De Fête devrait enfin permettre au chanteur de s’échapper d’une ornière commerciale totalement injustifiée. Alexandre Varlet sort les couteaux et a perdu toute naïveté. Le ton se durcit, les textes se font plus acerbes, les chansons nettement plus abouties. Après la pop sombre bon teint surfant sur l’écume de Fantaisie Militaire de Bashung, notamment avec Dragueuse De Fond (2002), un disque bien fait mais un peu léger (et forcément un peu invisible), Alexandre Varlet se lève de son fauteuil club, ne perd plus de temps à se raser de frais, et chante comme si sa vie en dépendait (ce qui doit un peu être la cas).

Passée l’ouverture neurasthénique (l’instrumental « Le Lit De La Rivière »), « Montre Toi » montre surtout les crocs, et laisse à voir un mec hargneux, en colère, sur un blues-rock concis et racé. Et de rocks fiévreux (« Cours Cowboy », en droite ligne de Joy Division) en ballades poignantes (le très émouvant « Tutti Quanti »), Ciel De Fête est un disque massif qui permet à son auteur de relever fièrement la tête. Nourri à la cold wave, Alexandre Varlet laisse surtout éclater ici son goût pour les guitares scintillantes nichées dans des grottes inaccessibles, de beaux arrangements âbimés par des sons inamicaux (« Je Veux Ton Amour »).

Si ce qui ne tue pas rend plus fort, l’insuccès qu’il a subi jusqu’à maintenant l’a sûrement poussé à travailler comme un acharné, et notamment ses instruments. Force est d’admettre que le travail a porté ses fruits, Alexandre Varlet est définitivement un guitariste excellent, doublé d’un touche-à-tout curieux et efficace.
Le disque étant chanté dans la langue de Gainsbourg, en bon vautour qui se respecte, on reste à l’affût de la faute de goût, de la chanson poussive et de la formule chic et pas choc. Mais non, Ciel De Fête est un album simplement bien écrit. Certes, la thématique générale est archi rebattue puisqu’elle tourne toujours peu ou prou autour des relations humaines, mais Alexandre Varlet est bien moins bavard qu’à ses débuts. Ses titres, ramassés et riches, ne passent pas par quatre chemins, chaque mot est ici à sa place, grossier ou poétique.

De surcroît, ce qu’il y a de plus remarquable ici, c’est son chant. Servie par une production classieuse, la voix usée et grave du bonhomme y est martyrisée, poussée dans ses retranchements (certains choeurs aigus sont de lui), et on reste béat d’admiration devant le charisme qui se dégage de cette voix charmeuse et revenue de tout. Une voix d’ombre et de lumière, que l’on sent capable de tous les outrages.

Bref, si ce disque mériterait d’être un peu plus bousculé par moment, il devrait sans problème répondre aux attentes des amateurs de chanson française de caractère, à savoir ce subtil mélange de textes pointus et de musique tournée vers l’ouest, la grande famille de Dominique A, Bashung, Murat… Et mine de rien, nombreux sont les appelés, rares sont les élus. Alexandre Varlet est assurément en bonne voie de l’être.

– Son Myspace