Le cinquième album studio du groupe de Washington est un joyeux foutoir. Et quoiqu’ils en disent, le bateau n’est pas franchement en train de couler.
« Nous étions morts avant même que le navire coule ». Comment faut-il prendre ça, de la part des six membres de Modest Mouse, par ailleurs grands adeptes des noms d’album à rallonge ? Un album qu’ils ont du mal à assumer ? Un chant du cygne ?
D’abord, cet opus est marqué par le retour du batteur originel Jeremiah Green mais aussi par la participation de l’ancien guitariste des Smiths Johnny Marr. Initialement prévu pour fin 2006 avec un enregistrement américain, l’album a été repoussé en avril 2007, mis en boîte du coup au Royaume-Uni et en Irlande. Le groupe, méconnu voire mésestimé en France, a certainement signé son album le plus accessible au grand public. Même si on a toujours en tête certains morceaux de bravoure de leurs productions précédentes (“Float On”, “The View”, “The World At Large”, “The Ocean’s Breathes Salty”), l’effet est saisissant dès l’entame de ce cinquième opus.
WWDBTSES est un album aux rebondissements spectaculaires, un voyage heurté entre différents styles de mélodies, différents styles de chants également. On voit de tout, on entend de tout, mais on ne comprend pas toujours tout. Modest Mouse tangue tantôt vers les rivages connus de leurs premiers albums sans concession This Is A Long Drive For Someone With Nothing ou The Lonesome Crowded West, tantôt vers des plages inexplorées.
Le début de l’album est tonitruant avec l’imparable “March Into The Sea”. On entre par la petite porte avec les premières notes qui ressemblent étonnement au début de “The Mariner’s Revenge Song” des Decemberists. Et puis le déchaînement d’un refrain, une lame de fond ponctuée par des râles de satisfaction du chanteur Isaac Brock.
La suite est du même tonneau. “Dashboard”, premier single pop bien élevé et bien enlevé, avec sa rythmique emballante faite de guitares funky convainc avant quelques précieux morceaux : la ballade sonore marquée 90’s “Fire It Up”, le Weezer-like très californien “Florida” ou encore le folk-rock de “Parting Of The Sensory”. Sans oublier “We’ve Got Everything”, son vieux son, son vieux refrain avec la participation du Shins James Mercer.
Mais tout n’est pas rose et certains morceaux sont vraiment futiles. On pense à “Missed The Boat”, “Fly Trapped In A Jar” ou “Education”. Ça se gâte jusqu’à “Steam Engenius” qui vient nous réveiller après le ronronnant et sans saveur “Little Motel”. Puis Modest Mouse nous met une calotte derrière la tête avec le formidable “Spitting Venom” : huit minutes trente de rupture, sans jamais laisser l’auditeur se détacher de ce morceau euphorisant. Et une phrase qui peut éclairer WWDBTSES : « If the damned gave us a road map then we’d know just where to go. Now let it drop ». Pas de route, pas de carte, on s’en fout, on a des idées à la place, on choisit notre cap à l’intuition et cela fonctionne.
A l’arrivée, on a juste envie de leur dire de s’accrocher à la rambarde, et si le bateau coule, après tout, ce sont les rats qui quittent le navire, pas les souris, si modestes soient-elles.
– Le site de Modest Mouse
– Leur page myspace
– Lire notre entretien avec Isaak Brock (septembre 2004)