Le songwriter précieux – dans tous les sens du terme – livre, avec King of Cards, son quatrième album. Pas vraiment un carré d’as…
Tom Mc Rae est depuis son premier album notre confident privilégié : le songwriter racé par excellence, qui s’accorde à merveille avec notre humeur chagrine ou vagabonde. Il faut dire que ce chanteur anglais en connaît un rayon en matière de spleen. Et distille, depuis son album éponyme en 2001, une suite de petites élégies acoustiques servies par une voix d’exception. Haut-perchée, parfois androgyne, sensible jusqu’au frisson : trop précieuse, résumeront certains. Il n’empêche que Tom Mc Rae n’a pas son pareil pour susciter l’émotion, fut-elle feinte ou spontanée, grâce à cette singularité vocale majeure. En 2005, il nous guidait avec malice sur les chemins tortueux de son microcosme dans All Maps Welcome, une réussite en matière de pop élégante et inspirée. King Of Cards risque de décevoir quelque peu ceux qui voyaient en Tom Mc Rae un songwriter d’exception, ce dernier ayant abâtardi ces élans passionnés au frottement de quelques détails de mauvais goût.
Pourtant, “Set The Story Straight” donne parfaitement le change, dans la lignée de sa discographie précédente. L’ambiance ébauchée par la guitare sèche et quelques nappes de clavier qui leur apportent du relief ne dépareille en rien dans l’univers de Tom. Et dès qu’il annonce, déchirant, «daylight splits the room», on reconnaît avec émotion ce timbre singulier qui nous manquait tant. Malheureusement, la composition en elle-même n’a rien de sensationnel : un crescendo par trop attendu, une mélodie plutôt passe-partout. On est prévenus : «what’s done is done», dit le refrain. Doit-on prendre cette boutade comme un mauvais oracle ayant trait à la qualité moyenne de cet album ? D’autant que sur la dernière feuille du livret est inscrit, comme un épitaphe lugubre «I’m tired of fighting», ce qui ne nous rassure en rien sur le tempérament jadis passionné de Tom Mc Rae.
Notre mauvais pressentiment se confirmera, car ces deux détails textuels – l’un plus explicite que l’autre – encadrent assez bien le contenu de ce quatrième album. «Ce qui est fait est fait» : voilà ce qu’on lance devant une erreur qu’on se montre prêt à assumer. Au moins Tom Mc Rae, tout abattu qu’il est, endosse ses responsabilités. “Bright Lights” s’annonce comme la première déconvenue. Un tempo rapide, un piano comme on en entend chez Coldplay, un refrain à la The Killers : Tom, le timide, s’encanaille chez les rois de la pop commerciale. Pas très longtemps, heureusement. Le superbe “Got A Suitcase, Got Regrets” reprend le topos du spleen qui lui va si bien, sur une instrumentation acoustique plus modeste – le piano a retrouvé la raison.
“Keep Your Picture Clear” s’aventure sur les routes d’un folk épuré et chaloupé à la fois, rythmé au claquement de doigts et à la basse, tandis que “Houdini And The Girl” s’essaie à la boîte à rythmes, sur une belle ballade langoureuse. Telles seront également “On And On”, magnifique prière où un piano, presque désaccordé, accompagne la guitare de ses notes hésitantes ou “Deliver Me”, chant de haut-vol tempéré par une batterie ternaire. Mais dès que Tom Mc Rae s’essaie à un tempo plus rapide – soit sur le tiers de cet album – ses talents de songwriter sonnent étonnamment cheap. “Sound Of The City” et sa surprenante familiarité a bien trois trains de retard, et “One Mississipi” ferait rougir de honte Jeff Buckley. Seul le finale joue la carte de l’émotion, certes très codifiée : piano cotonneux sur lequel se détache la voix gracile du chanteur.
Cette fois-ci, et nous sommes les premiers à le déplorer, l’alchimie ne fonctionne plus vraiment. Et ce King of Cards pourrait s’avérer être, à nos dépens, le roi du bluff.
– Le site officiel
– “Got a Suitcase, Got Regrets” disponible sur le site du label