Ha ! La clique néo post-punk The Departure, Cinematics & co… soyons sérieux, une seule chanson des Chameleons (choisissez n’importe laquelle) contenait autant d’idées qu’un album entier de ces lugubres ersatz. Mais l’on se gardait bien d’inclure Interpol dans ce panier troué. Là, soudain, un doute nous assaille.


Hasard du calendrier, le nouvel album des rockers brumeux d’Editors précède d’une quinzaine de jours celui d’Interpol. Pas de quoi fouetter un chat noir pour autant : les londoniens – vendus du temps de leur premier album comme la réponse britannique aux New Yorkais – viennent de livrer An End Has A Start, une séquelle qui les positionne dorénavant en tant qu’aspirants « Cold-play ». De toute manière, avec l’attente suscitée par Our Love To Admire, nous préférions miser sur l’original, sa majesté Interpol jusqu’ici irréprochable. Et c’est là que le bât blesse…

Replacer d’abord les évènements dans leur contexte. Si les revivalistes post-punk sont légion par les temps qui courent, le coup d’état d’Interpol en 2002 et de son herculéen Turn on The Bright Lights apportait indéniablement du renouveau au genre initié par quelques formations 80’s telles que Joy Division, Echo & The Bunnymen ou encore les méconnus The Chameleons et The Sound. Interpol a contribué au même titre que The Strokes et White Stripes au retour en force de la guitare sur l’échiquier rock. Peu prolifique mais perfectionniste à l’ouvrage, l’élégant combo de Paul Banks a maintenu la barre avec Antics en 2004, qui, même si la redite pointait déjà, assurait avec panache sa légitimité de formation « qui compte ».

Hélas, ce troisième opus des éminences noires de Brooklyn, n’a pas l’éclat des deux précédents. On a beau tenter d’approcher le disque sous différentes perspectives, le laisser reposer, y revenir, rien n’y fait. Un sentiment de vide patent habite Our Love To Admire. Est-ce la faute à la production déléguée à ce tâcheron de Rick Costey, autrefois ingénieur indé prisé qui a désormais tendance à se fourvoyer chez les pas très finauds Audioslave, My Chemichal Romance, P.O.D ou encore Muse ? Ou bien est-ce le choix du groupe d’enregistrer à New York pour la première fois, coupant ainsi à un rituel autarcique qui avait pourtant fait ses preuves. Les lumières de Manhattan les ont-ils détournés de leur mission ? Toujours est-il que la précision manque cruellement. Our Love To Admire est un album sans pulsion qui tourne en rond.

Objectivement, les onze titres ne sont pas foncièrement mauvais : la production n’a même jamais été aussi fouillée, voire atmosphérique. Seulement, le danger a déserté la place. Interpol préfère prendre les larges autoroutes sécurisées aux routes escarpées de montagne. D’où cette désagréable impression de nivellement, de parcourir une ligne droite longue et monotone. On se serait montré indulgent si deux ou trois titres se dégageaient de l’ensemble, mais point d’embuscades vindicatives dignes d’“Evil” ou “Leif Erikson” à se mettre sous la dent. Même sur la pièce la plus alambiquée, « Pioneer To The Falls”, les vieilles ficelles devenues flagrantes empêchent d’apprécier le morceau à sa pleine mesure. Sur le premier single “The Heinrich Maneuver” ou encore le dramaturgique “No In Threesome” quelques mélodies rentre-dedans tentent de sauver les meubles sans pour autant provoquer de remous.

On attend alors patiemment que les baguettes affutées de Sam Fogarino reprennent les choses en main, emportent les guitares de Daniel Kessler jusqu’au point de rupture rythmique extatique, comme du temps du phénoménal “Say Hello To Angels”. Mais le temps commence à se faire long. La situation devient même agaçante sur “Scale”, dont les opportunités d’embrasement offertes par un riff malsain et tarabiscoté ne sont même pas exploitées. Pour combler le vide, Kessler se contente de ressasser jusqu’à l’écoeurement ses arpèges à deux notes, comme un vieux tour de prestidigitation qui n’a plus l’effet escompté sur le public. Embarrassant. Finalement, le soubresaut aura lieu sur les deux dernières plages : “Wrecking Ball”, quasi-symphonique et la sérénade funeste “The Lighthouse” qui ouvre de nouvelles portes musicales aux quatre interlopes. Mais serait-il déjà trop tard ?

Si je puis me permettre un conseil messieurs : pour la prochaine fois, demandez à Josh Homme l’adresse d’un de ses bungalows dans le désert californien. Il en va de votre survie.

– Le site d’Interpol