Ce sextet californien laisse le sable envahir sa pop limpide sur un premier album à la maladresse touchante. Une découverte qui servira de caution quand il s’agira, à l’heure du Jugement dernier, d’expliquer le nombre d’heures passées à écouter des disques inconnus d’artistes méprisés.
A l’origine des Magic Bullets, c’est l’association d’une plume gouleyante et d’une voix chaude et puissante. L’auteur/compositeur/guitariste Corey Cunningham et le chanteur Philip Benson se sont rencontrés en 2000 autour d’une passion commune, celle de groupes aussi variés que Orange Juice, The Sound, ou The Feelies. Mais c’est en 2004 que l’acte de naissance du groupe est officiellement déposé, avec l’arrivée de pas moins de quatre autres musiciens.
Instantanément, la musique de Magic Bullets évoque une autre formation californienne, beaucoup plus en vue, les énergiques Cold War Kids, dont ils ont assuré plusieurs premières parties aux USA. Même intensité vocale, même énergie musicale, même spontanéité de jeu. Et la comparaison ne joue pas forcément en défaveur de Magic Bullets. Car là ou Cold War Kids jetait tout sur un jeu de scène pyromane en évitant parfois de s’oublier quand il a fallu coucher leurs chansons sur bande, les six membres de Magic Bullets balancent tout ce qu’ils ont dès les micros branchés, en n’importe quelle circonstance.
Autre différence majeure, la palette des références. Magic Bullets puise autant dans le folk crasseux de Tom Waits que dans la cold wave pur jus pour certaines parties de basses, pour s’envoler l’instant d’après dans le rythm’n’blues le plus charnel et dépouillé, quand ce n’est tout simplement pas le funk qui vient poindre ses lunettes de soleil (« New Kicks »).
Si la première écoute de A Child But In Life Yet A Doctor In Love peut donner une impression d’homogénéité un peu plombante, il n’en est rien quand on s’attache un tant soit peu aux détails. Cette sensation de redite est uniquement provoquée par une production lo fi dans le texte, un son clair et direct, live, essentiellement dû à un manque de moyens patent. Car dès qu’il s’agit de décortiquer les arrangements, Magic Bullets dévoile toute sa force de frappe. Partant sur des bases simples, on n’est jamais à l’abri d’une guitare qui vous décoche une bonne droite, d’un riff en uppercut, ou d’une montée de voix proprement sidérante. Des titres comme « Circumstances » ou « Tender Throes » témoignent de cette intelligence musicale. Voix frondeuse, guitares cristallines, basse trépignante, mélodies enroulées, et cassures harmoniques aussi inattendues qu’orageuses. Même quand le climat s’apaise sur le point final « Spent Nights », on respire la fraîcheur en même temps qu’on boit à pleine gorgée la mélancolie amoureuse, celle dont le regretté Grant MacLennan de The Go-Betweens avait fait sa sève.
Pas une seule faiblesse dans ce disque court mais incisif. En un peu plus de 33 minutes, un groupe de modestes artisans délivre une oeuvre tout aussi modeste qu’on achètera sur un coup de coeur sans se douter un seul instant qu’on y reviendra bien souvent. Celui qui aura fait l’effort de dénicher A Child But In Life Yet A Doctor In Love se verra récompensé par une musique solaire jamais à l’abri d’une éclipse. Le disque de l’été, de l’automne, de l’hiver et du printemps.
– Leur Myspace