Qu’un trio piano/basse/batterie ne se cantonne pas dans un genre prédéterminé et s’aventure à côtoyer la musique classique ou le rock, voilà qui n’étonnera plus grand monde habitué à écouter du jazz. Cet art du trio vagabond vanté et brillamment défendu par Brad Mehldau au début des années 90 ne cesse depuis de faire de nouveaux émules, attirés autant par les perspectives de combinatoires à géométrie variable que par une reconnaissance salutaire acquise à l’aune d’une tendance qui a, c’est le moins que l’on puisse dire, le vent en poupe. Après un premier album convaincant sorti en 2005 (Mind At Play), auréolé d’un succès critique et d’une sélection dans le programme Jazz Migrations de l’AFIJMA, le pianiste allemand Frank Woeste, Mathias Allamane (contrebasse) et Matthieu Chazarenc (batterie) récidivent avec des Untold Stories de bonne facture, mais pas aussi originales qu’on voudrait bien nous le faire croire. Excepté une utilisation singulière du Fender Rhodes (couplé ou non au piano) et quelques morceaux relevés à la sauce rock (le très popisant “Rare Day”), le trio de Frank Woeste peine à se démarquer haut la main de ses concurrents directs autrement plus inspirés – EST, Bojan Z trio et The Bad Plus les premiers. La faute à une identité sonore pas (encore ?) suffisamment marquée (l’album donne plus d’une fois un sentiment de déjà entendu, y compris lors des véloces attaques au piano de Woeste ou des ajouts sonores électriques), un goût prononcé pour des mélodies narratives policées (la plupart des morceaux mélancoliques laissent planer un romantisme volontiers édulcoré par quelques joliesses harmoniques) et une paire rythmique brillante mais qui semble avancer sous cloche, calfeutrée dans de douillettes compositions qui ne font pas un pli – ou trop peu au regard du curriculum vitae de chacun. Certes, Frank Woeste demeure un soliste intéressant (surtout en fait lorsqu’il joue, beaucoup plus dévergondé, aux côtés de Médéric Collignon), et Untold stories s’écoute sans le moindre déplaisir. Manque une démarche suffisamment imprévisible et orageuse pour véritablement nous transporter.
– Le site de Frank Woeste.
– La page Myspace de Frank Woeste.