Après la résurrection pour le moins inattendue des mythiques Throbbing Gristle, puis de Thee Majesty un peu plus tard, Genesis P.Orridge n’en finit pas de revenir en 2007. Cette fois, c’est au tour de Psychic TV, son groupe « mainstream » du début des 80’s. Glaçant.
Nul doute que les béotiens qui poseront pour la première fois leurs oreilles sur la musique issue du cerveau fumant de Genesis P.Orridge risquent d’être au mieux sciés, au pire traumatisés.
Rapide retour en arrière. Throbbing Gristle a vu le jour en 1976 lors d’une performance appelée Prostitution à l’ICA (musée d’art contemporain londonien), performance menée par Genesis P.Orridge (P. pour «Pandrogyny», qui signifie positive androgyny) et Cosey Fani Tutti. Sans aller plus loin dans l’histoire de Throbbing Gristle (un manifeste sur la provocation scato-sexo-sanglante), notons au passage un petit artéfact. A force de déconstruire la matière musicale pour faire trembler ses concitoyens et les institutions anglaises, Genesis P.Orridge (Neil Magson sur son passeport) a tout simplement inventé la musique industrielle – du nom de son label, Industrial Music. On connait rétrospectivement l’onde de choc d’une telle invention. Genesis P.Orridge est tout simplement adulé par Can, autant dire que nous touchons là un personnage d’une autre galaxie.
Throbbing Gristle fut sabordé par Genesis P.Orridge lui-même en 1980, au moment où la célébrité se pointait, sentant souffler le vent de l’institutionnalisation. Des cendres de ce projet extrême, Genesis P.Orridge fonda Psychic TV en 1981. Obnubilé par William Burroughs et le chiffre 23, le transgenre mettra toujours un point d’orgue à enregistrer des disques rêches, perturbants, violents, égotiques, voire carrément hors normes (comme cette série des 23 concerts livrés à raison d’un par mois, le 23ème jour). N’empêche, la sauce prend, et cet amalgame de bruits indescriptibles, de rythmes brutaux et de paroles en cut up finissent par donner une oeuvre pour le moins fascinante.
Hell Is Invisible… Heaven Is Her/E (appréciez le jeu de mots) est le énième album de Psychic TV. Autant dire que les fans absolus de Outside de David Bowie risquent bien de se voir pousser des poils sur les joues à l’écoute de ce disque. Hell Is Invisible…, s’il n’est pas un disque majuscule, n’en demeure pas moins un énorme brulôt de punk indus, bruitiste à souhait. A 60 ans bien sonnés, Genesis P.Orridge n’a pas hurlé son dernier mot. Il faut entendre « Higher & Higher » ou « Hookah Chalice » pour s’en faire une idée. Rythme tellurique, basse écrasante, voix stridentes, ambiances glauques, tout y est, mais dans un juste équilibre pour ne jamais sombrer dans un magma proto-gothique de pacotille.
D’une première approche assez terrifiante, Hell Is Invisible… se révèle assez rapidement hyper efficace et addictif. La faute à un chant racoleur et déjanté, Genesis P.Orridge faisant un peu penser à un Daniel Johnston en veste à clous et les doigts dans la prise. Et à ces chansons tout simplement aguicheuses telle « New York Story », velvetienne en diable, ou d’autres, violemment délicieuses comme « Just Because », chanson ramenant nos chéris Blonde Redhead (dont le dernier album s’appelle… 23, tiens tiens…) au rang de Christophe Willem comparé à Katerine, visez le gouffre.
Ce disque ne doit néanmoins pas demeurer réservé à un public averti. Tous les fans de rock coton-tige avec de l’intelligence dedans devraient fondre sur Psychic TV. Subitement, Sonic Youth prend un coup de vieux…
– Le blog truculent de Genesis P.Orridge
– Le Myspace de Psychic TV