Chez ECM, les détails ont leur importance. Ainsi de la couverture du nouvel album d’un des piliers de l’Art Ensemble Of Chicago, sur lequel est griffonné un entrelacement de lignes éparses sur fond blanc, là où le label nous avait habitués dernièrement à des flous photographiques crépusculaires. Pour déconcertante qu’elle soit, cette couverture situe immédiatement l’enjeu esthétique du disque : concilier dans un même espace le trait droit de la composition aux bifurcations aléatoires de l’improvisation. A la baguette et au saxophone soprano, Roscoe Mitchell poursuit avec le Transatlantic Art Ensemble (une formation de quatorze musiciens issus de l’Art Ensemble, du Sun Ra Arkestra, de Note Factory, de Free Zone Appleby et de l’Electro-Acoustic Ensemble, qui compte dans ses rangs un autre saxophoniste de renom, Evan Parker) sa quête d’une écriture sophistiquée et intransigeante, aux frontières du free jazz et de la musique contemporaine. Les neuf pièces répertoriées sur cet album, s’étirant sur une durée variable de trois à dix-huit minutes pour un total de quatre-vingt minutes, correspondent à l’accumulation d’une matière enregistrée live puis réorganisée afin que l’ensemble compose une suite au développement cohérent. Se déverse une musique affranchie des contraintes de styles, parfois chaotique (la déferlante cuivres/batterie/piano de la pièce n°III), et qui prend son essor à partir d’hypothèses formelles ou de « méthodes intégrant l’improvisation à la composition » (dixit Mitchell). Si l’école de Vienne n’est jamais très loin, notamment lorsque l’économie de notes confine à une beauté atonale et éthérée (comme sur la pièce n°I), l’alternance des configurations/combinaisons instrumentales où dialoguent cuivres, cordes et percussions repousse progressivement les repères pour s’épanouir dans un langage multiforme. Libéré de toute astreinte grammaticale préconçue, ce dernier se révèle même au final des plus innovants.
– Le site de Roscoe Mitchell.
– Le site de ECM