Après trois longues années de silence consécutives au simiesque Summer in Abbadon, tout portait à croire que Zach Smith et Rob Crow ne parvenaient plus à se démêler de leurs complexes noeuds arpégés qui ont tant fait leur renommée. Il y avait bien Nautical Antiques l’année dernière, imposante compilation de faces B, mais rien de vraiment récent à se mettre sous la dent pour les inconditionnels que nous sommes. Durant ce laps de temps, nos tricoteurs rock de l’impossible en ont profité pour s’oxygéner chacun de son côté. « S’oxygéner » n’est d’ailleurs peut être pas le terme adéquat : Rob Crow a – comme à son habitude – multiplié les activités parallèles entre le lancement de son propre label Robcore, son premier album solo, un side-project The Ladies avec Zach Hill (Team Sleep), ou encore une réunion avec ses anciens compagnons de Heavy Vegetable reformés sous l’entité Other Man… De son côté, Zach Smith a également versé dans la nostalgie en réactivant son groupe originel, les non moins cultes Three Mile Pilot, dont les membres sévissent aujourd’hui au sein de The Black Heart Procession. Oui, c’est à s’y perdre ! Pinback n’aime décidément pas la facilité…
Car enregistrer un disque de Pinback n’est pas une mince affaire tant la moindre recherche mélodique frise ici la précision chirurgicale. Zach Smith et Rob Crow façonnent une pop à guitares cérébrale dont les figures mélodiques s’immiscent insidieusement en nous et ne nous lâchent plus.
Il y a bien longtemps que les ex-activistes de la scène hardcore américaine ne pilonnent plus des riffs punk binaires. Assagis, leurs progressions instrumentales audacieuses, parfois teintées d’éléments électroniques, se sont arc-boutées sur une section rythmique à l’agressivité contenue. Les harmonies vocales mélancoliques ont, avec le temps, pris une place prépondérante, ce que tend à confirmer cette dernière livraison.
Dans la continuité de Summer in Abbadon, Autumn Of The Seraphs, est une superbe collection de pop-songs tragiques et épileptiques. Même si le duo ne bouscule pas trop la donne établie sur les disques précédents, le sens de la composition s’affûte indéniablement. Un disque de Pinback reste instantanément identifiable. Cent fois imités, jamais égalés, le cortège d’aspirants au trône se bouscule toujours vainement. Autoproduit magistralement par nos deux compères, ce quatrième opus réunit tous les ingrédients qui ont fait de Pinback l’un des groupes de rock américain les plus singuliers sur la place.
Pas moins de deux batteurs se disputent le même siège pour venir à bout de cet effort studio, soit Mario Rubalcaba, une vieille connaissance (Black Heart Procession) et Chris Prescott (No Knife) qui tourne avec la paire depuis 2005. Ce renfort se ressent sur les deux premiers morceaux, de facture nerveuse : l’enlevé “From Nothing To Nowhere” rivalise de contre-pieds avec “Barnes”, un funk blanc dans la mire dangereuse de The Sea and Cake. Puis, le rythme se détend. Plus posés, “How We Breathe” et “Good To sea” reviennent aux textures électroniques délaissées depuis le EP Offcell. “Walters” est le point d’orgue de l’album, de l’envergure des classiques “Syracuse” ou “Loro”. Sur cette prouesse, les guitares réglées, un métronome lance un compte à rebours avant l’explosion électrique annoncée, sublimée par un piano aérien. Si “Bouquet”, n’est pas le bouquet final, c’est l’une des mélodies les plus pop jamais composée par le duo. “Off By 50”, ferme la marche en grande pompe avec ses choeurs sophistiqués, presque Beach Boys.
Décidément, les combinaisons inextricables de Pinback n’ont pas encore fini de dévoiler leur secret. Le pouvoir de fascination demeure.
– Le site officiel de Pinback