En 2005, la sortie de Cripple Crow, le précédent et quatrième album de Devendra Banhart, avait divisé la rédaction de Pinkushion. Deux ans après, Smokey Rolls Down Thunder Canyon a déjà le mérite de faire l’unanimité, en faisant pencher la balance du côté des détracteurs du songwriter et de sa bande – qui semblent avoir troqué leur déguisement hippie pour une tenue de cirque baroque, le barbu jouant à présent de l’ambiguïté sexuelle en se pavanant maquillé et habillé en femme. Si la paresse était notre pêché mignon, on pourrait même se contenter ici de faire un copier-coller des principaux écueils pointés à l’époque : longueur injustifiée de l’album, recours à un éclectisme fourre-tout et tendance à un passéisme stérile. Mais ce serait faire là injure à un musicien aux qualités incontestables, dont celle, essentielle, de savoir écrire de bonnes chansons (encore évidente sur un morceau comme “Seaside”). A la stigmatisation obtuse, on préfèrera donc revenir à ce sur quoi achoppe notre enthousiasme dans l’oeuvre récente de Devendra Banhart : son côté éminemment bidon. Lorsque Robert Wyatt chante en espagnol, nous sommes bouleversés, quand c’est Banhart, on est hilares. Quand Wyatt mélange les orientations musicales et stylistiques, nous sommes subjugués par l’audace harmonique des contrastes, lorsque Banhart s’y essaie, on baille (le summum étant atteint avec “Shabop Shalom”, morceau sur lequel il surjoue une voix de crooner romantique peu crédible, à la limite du pastiche). C’est que là où le premier invente avec l’humilité des sages libres de toutes contraintes, le second répète comme un perroquet fier dans sa cage dorée les sons qui ont nourri son adolescence. Certes Devendra Banhart a bon goût, mais le mauvais de ne savoir qu’en faire. Campé sur sa mémoire, il accumule moins les possibles que les chansons-souvenirs cheap (cf. l’insupportable medley de « Seahorse »). Résultat : à la croyance qui délivre se substitue le ressassement qui emprisonne. Et l’enjeu artistique se réduit au jeu des références. La musique dans tout ça ? Au pire un effet de manche, au mieux une marotte amusante.
– Le site de Devendra Banhart.
– Sa page Myspace.