Fort d’un premier succès mérité sur le prestigieux label ECM (Neighbourhood, 2006), le batteur Manu Katché remet le couvert. Petits plats dans les grands, personnel nordique reconduit (Slawomir Kurkiewicz à la contrebasse, Marci Wasilewski au piano), convives triés sur le volet (Mathias Eick à la trompette et Trygve Seim aux saxophones), ambiance en clair-obscur, face sombre face claire et l’agitation urbaine en fond, comme une menace qui jamais ne viendra perturber le ronronnement des baguettes. Répétition donc, mais sur le mode mineur, comme si, déjà, l’essentiel avait été dit, joué. Composer avec les miettes, et se persuader que tout reste à faire, que les poncifs sont pour les autres, le jeu qui va droit, l’enchaînement des scories, la technique qui démontre plus qu’elle ne transcende, à Manu on ne la fait pas. Katché, grand chef de la cuisine jazz pour toutes les bourses, connaît la recette, il a vu et entendu les aspirations du peuple sur les plateaux de télé. De tels antécédents, douteux aux entournures, ne viendraient-ils pas faire obstacle à notre bonne foi naturelle ? Ferions-nous ici simplement le procès d’un batteur pop qui s’est frotté au système avec délectation oubliant d’écouter son disque de jazz ? Passe la première fois, celle-ci serait de trop ? Trois fois, non. Playground déçoit eu égard à l’attrait professoral du maître, car de jazz, au fond, il n’est point question. Ou alors de jazz d’agrément, belle fleur dans un vase sur étagère en toc, belles mélodies sans épices qui parfument un plat réchauffé, belle mécanique reluisante qui nous fait de l’oeil à défaut du pied. Problème de bonne distance, en somme, d’une formation au carré qui nous regarde alors qu’elle devrait nous toucher.
– Le site de Manu Katché.
– Le site de ECM.