Matheux de première, le DJ Dan Snaith a établi une arithmétique du son basée sur la théorie sunshine pop : choeurs intouchés et arrangements classieux passés à la moulinette laptop. Les pièces montées du renne sont reines.
Comment faire du neuf avec du vieux ? Vaste dilemne qui préoccupe les écolos, mais aussi les musiciens qui cherchent « ailleurs ». Dans les deux camps, des émissaires tentent de trouver des réponses susceptibles de changer la donne. Quant à Dan Snaith, l’homme pieuvre derrière Caribou, sa vision musicale est certainement l’une des alternatives electro/pop les plus intrigantes qu’il nous ait été donné d’entendre. Andorra, son quatrième album – si l’on fait abstraction de ces différents pseudos – rendra euphorique les inconditionnels de psychédélisme précieux 60’s, ceux élevés aux exigences des fameux The Left Banke, Byrds, The Millenium et des Beach Boys. Mais plus encore, c’est aussi une fenêtre ouverte sur une electronica bariolée, surprenante. Pourtant, qui à ses débuts aurait prédit un tel virage à 180° de la part du du DJ canadien, avec en ligne d’horizon la sunshine pop ? L’hypothèse la plus probable : expatrié dans l’effervescence londonienne depuis sept ans, il pille les disquaires d’occase de Berwick Street et Portobello. Irrémédiablement, sa collection de vinyles s’est mise à rayonner d’un nouvel éclat, celui du soleil californien.
Repéré en 2001 sous le pseudo Manitoba, le jeune homme touche-à-tout laissait déjà échapper quelques timides influences pop millésimées « 1967 » emportées dans un tourbillon de samples exubérants. Après l’excellent second album Up In Flames (2003), Manitoba se voit contraint juridiquement de changer de nom. Il opte ainsi pour l’animal fétiche et majestueux de ses terres glaciales et occultes, le Caribou. Premier album sous ce pseudo, The Milk Of Human Kidnesss laisse encore ici et là poindre quelques choeurs éclatants en plein état de siège krautrock et de machines mutantes. Finalement, le grand soulèvement aura lieu avec Andorra.
Dans la principauté fantasmée par le prince Stain, la pop a pris le dessus sur les ordinateurs, les mélodies partent conquérir les sommets des Pyrénées, sans interférences. Andorra est avant tout un disque de pop classique… contaminé de pulvérulences electro. Et là, il faut applaudir le maître. Quelle aisance ! Quel brio ! “Melody Day” et “Sandy”, des éruptions de choeurs qui nous transportent, des clochettes qui scintillent… Si c’est cela le bonheur, que demander de plus ? Sous les tranchées électroniques, les trésors harmoniques légués par Brian Wilson creusent de nouvelles perspectives sonores : arrangements luxuriants, fusion shoegazing, rythmiques hip-hop, des canons d’enfants de choeurs (l’immaculé « Eli »)… Quelques instrumentaux n’ont pas encore été totalement écartés sur les deux dernières plages. Pourtant, l’écusson de Spector « Back To Mono » reste bien épinglé sur le veston. Et c’est là tout le génie de Dan Stain : transposer un savoir-faire pop illustre, jamais égalé, dans un modernisme percutant.
Certes, Dan Stain pourrait être taxé de fieffé récupérateur, tant l’harmonie d’“After Hours” frôle dangereusement “Some Velvet Morning” de Lee Hazlewood. Mais il a un talent monstre pour camoufler ses emprunts sous de splendides dorures. Ceci pris en compte, Andorra devient alors un jeu de piste pour les mordus de pop vintage : le morceau “Desiree” est un double hommage. Sous son titre emprunté au classique de Left Banke, se cache une relecture de “Lady” – huitième merveille du monde chantée par Dennis Wilson. Et rien que pour cet étalage de bon goût, on lui pardonne tout.
– La page Myspace de Caribou