Basé à Tours, ce duo s’était fait remarquer en 2005 grâce à Björk pour leur relecture tout en bossa matinale de “Army Of Me”, que l’on retrouve ici après que la diva islandaise la fit paraître sur un album de reprises, paru chez One Little Indian – dont les profits furent offerts à l’UNICEF. C’est donc fort d’un parrainage pour lequel beaucoup tueraient que Grisbi livre son premier album. Natasha et Antoine, le couple à l’origine du groupe, est bientôt réuni par trois autres comparses et étoffe ses compositions. De la pop à l’electro, en passant par la bossa et le trip-hop, Grisbi s’aventure dans l’histoire des années 90. Ceux qui ont goûté au très joli Standards (Blue Note, 1996) de la saxophoniste-chanteuse norvégienne Helén Eriksen, ou bien plus encore au grandiose Breath From Another (Sony, 1998) des Canadiens Esthero seront ravis de retrouver sur Playtime cette musique hybride, et surtout cette voix si proche, une voix candide ou mutine, un soupir en apesanteur. Si le nom du groupe fait référence à un classique du cinéma populaire français de qualité (ce fameux goût de poire, on ne s’en lasse pas), le titre de son album n’est pas en reste. Playtime évoque instantanément le grand oeuvre de Jacques Tati, ce film immensément burlesque et révolutionnaire, et surtout incompris et ruineux pour son auteur. Certes, le Playtime de Grisbi (vous suivez) évolue en terrain bien plus balisé que les films qu’il évoque (à leur époque, ils marquèrent les esprits de manière durable), et marche sur les traces que des aînés forts recommandables ont laissé dans la neige, il y a un certain temps déjà. Mais ceci n’enlève en rien ses qualités à cet album réfléchi, travaillé et pensé dans le moindre détail. Le trip-hop a ceci de particulier qu’il ne souffre pas la moindre approximation, et sur ce plan, Grisbi réussit un tour de force. Plages downtempo, montées vertigineuses, guitares vrombissantes ou scintillantes, beats ronds et chauds : pas de doute, Grisbi maîtrise son sujet. Le souci apporté aux arrangements qui fourmillent de détails, le soin offert à un son limpide, la force d’une écriture so(m)bre et solide, tout pousse à croire qu’on assiste là à l’éclosion d’un groupe qui pourrait faire date. Seul bémol de taille, les 10 ans qui séparent l’apparition de cette musique et celle de Playtime. Le trip-hop semble aujourd’hui bel et bien enterré. Trop tôt ou trop tard, Grisbi joue merveilleusement une partition qui tombe de toute façon au mauvais moment. Mais que ceux qui gardent de Londinium ou des premiers pas d’Alpha un souvenir ému se ruent sur ce disque, le frisson est garanti.

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