Sous son apparente banalité, ce disque risque fort de vous réconcilier avec les pâquerettes, les soirées raclette et les diabolos grenadine. Avouez que c’est tentant…
Quand un album commence d’emblée par un tube énorme (potentiel) tel que “Leaps”, on peut s’attendre au choix à, soit une lente et longue montée en puissance vers un album majeur, fût-il dans un style aussi routinier et quelque peu vilipendé tel que la power pop, soit au pire à un produit dont la seule vocation serait d’attirer le chaland, le racketter, et au diable la musique.
The Broken Family Band, sur ce quatrième effort, trace une troisième voie, moins évidente, celle d’une constance linéaire sur la durée d’un disque. Car Hello Love est un album au classicisme confondant, aussi aventurier que Gérard Holtz, préférant les grosses artères aux sentiers tortueux, les yeux braqués sur un GPS plutôt que de partir en goguette après avoir avalé la boussole. Et pour se lancer dans un album power pop, en quête de la pop-song parfaite (probablement l’expression la plus utilisée depuis quelques mois, preuve d’un retour aux sources sans fin), il faut être sûr de son fait, avoir une confiance aveugle en ses compagnons de route, et posséder de pleines bennes d’histoires universellement innocentes à même d’alimenter des textes refusant le convenu. Surtout quand on sait qu’il s’agit là, paradoxalement, d’un virage assez radical qui voit les Britanniques délaisser leur folk originel. Et cette reconversion est finalement la grande surprise de Hello Love.
Les onze titres qui composent l’album sont simples, directs, et ce n’est pas une insulte, gais. Particulièrement enjoués même. The Broken Family Band ramène la pop à sa fonction première, celle qui porta les Beatles sur la voie céleste, à savoir livrer des chansons légères, parfois idiotes, parfois amusantes, mais toujours accrocheuses, efficaces, et courtes. Une idée/une chanson, ça n’est pas forcément une tare, ici c’est carrément la recette du succès, la clé du bonheur, la porte ouverte à toutes les fenêtres… Ce que vous voulez. N’empêche, cet album est délicieux.
Simplicité frise parfois avec facilité, mais cet écueil est brillamment évité ici, même sur des actes de bravoure comme l’étirée “Seven Sisters” (l’exception qui confirme la règle). Que ce soit dans l’écriture, la composition ou l’exécution de ces bombinettes, The Broken Family Band ne faiblit jamais, ne cède pas une seule concession à la recette. On ne peut leur reprocher la moindre note superflue, le plus petit effet de manche. Chaque morceau est joué les yeux dans les yeux, titillant le nerf qui relie les oreilles aux gambettes en faisant un crochet vers le coeur de midinette qui sommeille en chacun de nous. Impossible de rester en place, inutile de résister, Hello Love happe le passant et le mène par le col sur la piste de danse. La faute à ces guitares qui cristallines, qui rageuses, à cette batterie épileptique, à cette basse sautillante. Et surtout, la faute à la voix chaude et gouailleuse de Steven Adams, balançant ces mélodies impeccables avec la morgue de ceux que rien n’arrête, et surtout pas le succès auprès des jeunes filles. Même quand le tempo ralentit, quand la fougue se repose, le quatuor livre des ballades belles comme des clairs de lune, invitant ici une voix féminine charmeuse (“You Get Me”), là une trompette qui rappelle les meilleures heures de Belle & Sebastian période Jeepster (la fabuleuse “Give And Take”). Autant dire qu’il n’est pas né celui qui découvrira l’antidote à ces philtres d’amour.
Voilà un groupe dont la musique n’amène qu’à la joie toute bête de vivre, le plaisir simple et idiot d’une sucrerie. Et sans jamais sombrer dans la surenchère, la mièvrerie ou, pire, la redite. Ce serait franchement dommage de refuser un concentré d’allégresse pure.
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