Et voilà que la belle Emily Haines s’extirpe du système Metric. La jeune femme, atout principal du groupe à bondir, ramène sa frimousse seule avec son piano. Joli voyage.


Cette fois, pas de boum-boum, de tchik-tchik, de zag-zag ou de bling-bling, Emily Haines livre un premier album solo intimiste, là où on ne l’attendait pas forcément. Mais à notre grand bonheur. D’abord. Rappelez-vous Metric. Si si, leur furieux titre “Dead Disco” avait fait des émules mais le soufflet était rapidement retombé, deux albums ne validant pas les espoirs des débuts. Metric est trop grossier pour Emily Haines, on ne voyait qu’elle et cet album solo, était, à vrai dire, presque inéluctable à nos yeux.

Au dos de la pochette de ce disque doré et sobre – un comble -, Robert Wyatt se passe des éloges classiques mais explique le cheminement de la belle canadienne. Cette deuxième production solo, après Cut in Half And Also Double (1996) – un premier essai autoproduit, extrêmement rare, dont les quelques copies s’arrachent sur eBay – est un coup de maître, pour celle qui a grandi dans un environnement propice à l’enrichissement culturel (son jazzpoet de père, Paul Haines, lui préparant des cassettes, avec en tête d’affiche Carla Bley, Robert Wyatt encore ou plus tard, PJ Harvey).

De prime abord, cet opus ressemble à nombre d’albums féminins sortis ces derniers temps : délicat, mélancolique, homogène, voire linéaire. L’écoute initiale n’est pas convaincante même si les deux premiers morceaux, “Our Hell” et “Doctor Blind”, se détachent.

Et puis on le réécoute. Les lignes de piano, délicieuses tout en gardant une tonalité grave, magnifient l’ensemble. La voix vaporeuse de la canadienne se pose et les variations infimes, qui ne sautaient pas à l’oreille au début, sonnent comme une évidence, donnant leur identité à chaque morceau. On voit qu’avec Emily, la tristesse est bonne compagne, car elle parvient à donner un sens à tout, à la ruine, à la mélancolie. Une déchirure : la demoiselle, si déchaînée, si forte avec Metric, semble là exposer ses faiblesses. On pense d’ailleurs à Elliott Smith dans sa dernière période, parfois aussi à Mansfield. Tya.

L’ambiance exceptionnelle de “Detective Daughter”, “Reading In Bed” et sa mélodie magnifique au piano, le violon écrasant de “The Lottery”, le refrain accablant de “Nothing And Nowhere” les cuivres entraînants de “Mostly Having” : Emily Haines a, c’est indubitable, un don pour concocter, composer, disperser les ingrédients. Elle semble porter toute la misère du monde dans sa musique, rappelant ainsi que certaines pistes (“Reading In Bed” et “Mostly Waving”) ont été conçues après le décès de son père. Seul reproche peut-être : la production proprette qui ne rend pas justice à la noirceur de l’album.

Mais Robert Wyatt a bien sûr raison. Et comme le chante le Klub Des Loosers : « De l’amour à la Haine(s), il n’y a qu’un pas ». Une évidence.

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