A moment particulier, chronique exceptionnelle. Voici un disque d’une inventivité folle qui donne aux petits et aux grands une énorme envie de faire pipi dans sa culotte !


Nino est invité à monter sur une bien frêle embarcation pour un voyage au long cours sur la Mare A Toto. Il est accompagné de sa chérie Nina, de Titi, drôle de personnage à l’accent rugueux, de la mouche sale, de Miro le Roi du pédalo, d’un crocodile qui s’ennuie, et de plein d’enfants dont un qu’on soupçonne d’être handicapé. Mystère…

Le thème de l’eau est évidemment familier pour nos petits aéroports à bisous sur pattes. Rien de mieux en effet qu’un bon bain plein de mousse pour faire enrager Maman, ou qu’un verre débordant dans lequel on fera des bulles pour voir bouillir Papa. Partant de ce schéma, Hélène Bohy, avec la complicité de Jeanne-Marie Pubellier, et accompagnée d’une fine équipe de barlous, tisse une musique basée sur les percussions, les instruments à cordes, les bruitages buccaux, l’eau, les chants d’enfants et un nombre incalculable de petits objets rigolos. De devinettes en comptines, de petites berceuses en rap (!!), de blagues à deux balles en jolis contes à dormir au sec, A L’Eau ! est un formidable feu d’artifice qui séduit du début à la fin, toutes les générations y trouvant leur compte. Car Hélène Bohy a eu la lumineuse idée de laisser tourner le magnéto quand les enfants ont commenté leur prestation, et de faire de ses sorties si typiques des gimmicks, des virgules sonores. Et leurs interventions sont régulièrement hilarantes : pourquoi être penaud quand on peut être «peneu», et vous savez, vous, ce que ça veut dire «il n’a pas pied» ? Et franchement, pourquoi cette stupide vache s’est-elle prise pour une palourde, contre l’avis de l’intéressée ? Et ce n’est pas facile pour le crocodile qui a «crès» soif de s’ennuyer ; et au fait, elles viennent d’où ses légendaires larmes ?

Un disque pour enfants doit compter son lot de petites leçons de vie, A L’Eau ! ne déroge pas à la règle. Mais ici point d’assertions vexantes, foin de fables fades et de morales pontifiantes. Non, que des bonnes idées, que de l’évidence qui n’en est pas tant pour les moins de 8 ans. Un des thèmes récurrents étant la quête de ce que l’on n’a pas, puisque chaque parent vous dira que son enfant trouve toujours tout mieux chez les autres – “La Vache Et Le Gué”, “Le Bonheur Est Ailleurs” et son texte qui retombe sur ses nageoires, à reprendre en choeur lors des interminables 100 derniers kilomètres qui rapprochent de chez Mamie.
Autre composante essentielle de ce disque, l’humour. Car oui, les chansons sont toutes à se tordre, pour peu que l’on retrouve un minimum de cette âme d’enfant dont on ne devrait jamais complètement se départir. Par exemple, quoi de mieux qu’un rap pour raconter “La Mouche” qui refuse de se doucher ? Et ce rap-ci n’a rien de cliché. Percussions ciselées, choeurs martiaux et surtout le chant de Romain Caillard, ou plutôt son fl-eau-w à faire passer Grand-Corps-Malade pour Michel Rocard, une des meilleures vignettes de ce disque. Enfin, plus loin, “Le Crocodile” ou “Le Bateau De Nino”, donnant à entendre un jazz vocal dans les règles de l’art.

Le soin apporté à la réalisation du disque, avec ses petites illustrations sonores qui fourmillent, ces animaux qui bruissent, ces voix qui foisonnent et ce son parfait, achèvent de rendre A L’Eau ! incontournable tant les mélodies construites avec de tous petits moyens vont loin ici. Bref, si vous avez des enfants, ce disque est indispensable. Et si vous n’en avez pas, vous en aurez vite envie après l’avoir écouté. Une idée ?

A noter que A L’Eau ! a été réédité en version livre-disque, joliment illustré par Katy Couprie. Mais seules onze vignettes ont été retenues, ce qui dénature malheureusement un peu le projet musical initial.

– Le site de Hélène Bohy