Après le singulier The Soundings (2004), le groupe d’Andy Dragazis revient avec un album encore davantage insaisissable, comme une pellicule de celluloïd emportée par le feu. S’il n’est pas rare que des mélodies produisent des images (mentales), rares sont celles dont la puissance d’évocation semble faire jaillir des films possibles. Palimpseste sonore, dès sa couverture l’album dévoile sa forme spéculaire. Comme un écho à Coup de coeur (One from the Heart, Coppola) et Rencontres du troisième type, une silhouette d’homme en clair-obscur avance dans un désert, dont l’horizon est incarné par un écran de drive-in comme reflet d’un univers fait d’images. Comme un générique de film, chaque morceau est alors une variation sonore sur la fin, sur la façon de finir, et de laisser s’échapper ces pellicules d’images qui font le monde. Dès “Allies”, le choeur haut-perché et quelques notes enfantines de piano et de violons s’épousent en un crescendo toujours différé suggérant un voyage interstellaire en compagnie de Cliff Martinez, David Axelrod et Ennio Morricone. Musique syncrétique, elle s’offre comme un panorama d’ambiances, une traversée de l’histoire récente de la musique d’accompagnement. Sur fond d’une froideur et d’une mélancolie proche des albums des Cocteau Twins (le disque n’est pas sans rappeler le travail de Robin Guthrie et Harold Budd pour Mysterious Skin de Greg Araki). Chaque titre invente ainsi sa propre prosodie tout en donnant l’impression d’avoir été (re)tiré d’un genre cinématographique, d’un film que l’on aurait dû voir, que l’on aurait vu s’il avait été, et qui serait la synthèse de tous ceux que l’on a déjà vus. Tous les mouvements sont alors des vecteurs d’émotions cinégéniques, comme les fins alternatives d’un même film, où la structure de tous les morceaux joue de l’imminence d’un dénouement incertain. Album inactuel First steps into… est le premier pas de la traversée d’un territoire où le visuel se confond avec le sonore, car les mélodies de Blue States sont des projections dont nous sommes les écrans comblés.