Cela fait déjà quelques années que New Pretoria traîne ses guêtres sur les scènes parisiennes. Voilà donc leur premier véritable album, après le joliment titré No Place For A Such Band. Les pieds dans la poussière de l’Arizona, les doigts à Manchester ou Londres, New Pretoria évolue en terrain connu. Citant Lambchop ou Howe Gelb, il y a aussi du Tindersticks et du Joy Division dans cette country-folk urbaine, notamment par le truchement d’un chant aux accents plus cockney que redneck. Un mélange pas si évident qu’il n’y paraît, et que New Pretoria arbore sans la moindre difficulté. Premier atout du groupe, la consistance des compositions qui sont de celles qui ont subi la patine du temps, le feu de la forge et le pétrissage de mains patientes et obstinées. Puissance des guitares, précision de la section rythmique et noblesse des orgues sont autant d’éléments qui confèrent à la musique du quintette une élégance ténébreuse. Alternant titres forts en gueule et chansons plus soutenues, The Backyard’s Legacy voyage au gré des vents de sable et des courants, faisant s’entrechoquer le folk-rock de Tucson et la pop sombre et dépressive d’Outre-Manche. Les esprits chagrins pourraient gloser sur cet héritage volé, mais ce serait faire abstraction de l’honnêteté du groupe. Car cette musique-là, les jeunes musiciens l’aiment, la chouchoutent, la dorlotent, mais ne la trahissent jamais. Pas de démonstration abusive ni tics inutiles. Les New Pretoria jouent une musique qu’ils connaissent sur le bout des doigts. On pourrait regretter une attitude parfois un peu trop respectueuse, une conduite évitant le dérapage, même contrôlé. Mais le terrain est fertile, la graine pousse, laissons à New Pretoria le temps d’asseoir son expérience, et gageons que l’avenir sera plus à l’orage, à condition de s’affranchir de références pour le moins encombrantes, The National en tête. En attendons, délectons-nous de ce disque modeste et abouti, et encourageons-les à se lâcher. Il est bon parfois de se perdre.