Ne ratez pas la nouvelle sensation Made In MySpace ! Il n’y en aura pas pour tout le monde… euh, non, désolé… il n’y en aura pas pour longtemps !
Le monde change, et le marketing censé l’orienter aussi. Il n’y a pas si longtemps, les chefs de produits de tout poil traquaient les artistes à succès (critique surtout) dans le merveilleux monde indie pour illustrer leurs campagnes de pub et ainsi les propulser aux sommets des charts – Rakes, Jim Noir, Saint-Devendra, CocoRosie… De nos jours les marketeurs ont changé de braquet et se substituent aux directeurs artistiques de labels aux abois en surfant sur MySpace, à l’affût du petit gimmick qui fera mouche ou de la tuerie intégrale à même de refourguer des millions de jeans à 120”. Il résulte de ce phénomène un nombre croissant de groupes qui ont signé un tube au potentiel plus ou moins important, objets d’une hype exponentielle pour finir par pondre un premier album au succès presque garanti, mais aux qualités souvent discutables. Et si en plus ce groupe est doté d’un look vendable (comprenez original), c’est le coup de maître.
The Dø est ainsi LE nouveau groupe « Entendu à la TV » qui vient de MySpace. Et nous voici bien marris à l’écoute d’un des albums les plus attendus de ce début d’année. Car il va falloir faire son boulot… Et au risque de passer encore une fois pour les grincheux de service, nous sommes forcés d’apporter un peu de dissonance au concert de louanges accompagnant la première livraison du duo franco-finnois.
Doté d’un capital sympathie incontestable, le couple distille une musique qui ratisse large, et donc fédératrice (qui a dit racoleuse ?). Folk-pop, reggae léger, rap de poche, psyché microscopique, Olivia Merilahti et Dan Levy touchent à tout avec un savoir-faire certain. Les arrangements boisés et la production lo-fi apportent une couleur fort aimable à l’ensemble, et la voix de la Finnoise fait le reste ; une voix haut-perchée, mutine et aguicheuse juste ce qu’il faut. L’écriture y est affranchie de toute contrainte et on sent une entente indéfectible au sein du couple, conférant à A Mouthful un petit côté arc-en-ciel musical qui plaira à toutes les générations. Le problème de ce disque est plus profond.
“Playground Hustle”, le morceau d’ouverture, donne pourtant confiance à l’auditeur avec son intro lysergique, sa flûte suraiguë et ses voix dignes des meilleurs délires de Camille. Les deux titres qui suivent, dont le fameux single “On My Shoulders”, rassurent avec leurs mélodies évidentes, leurs guitares douces et le chant décidément délicieux d’Olivia. Le problème, c’est que The Dø ne tient pas la distance des 15 titres (!) qu’il s’impose sur ce premier effort. On relève ici et là quelques fantaisies et même parfois de vrais tubes, comme “The Bridge Is Broken”, “Stay”, “Unissasi Laulelet” (en finnois), le hip-hop rigolo “Queen Dot Kong” et “Aha” (rien à voir avec qui vous savez), soit une grosse moitié de l’album. Ce qui n’est déjà pas si mal, me rétorquerez-vous. Oui, sauf que tout ceci n’est pas franchement révolutionnaire, et fait de The Dø tout au plus de bons disciples de Feist ayant décortiqué l’intégralité des disques de Björk et dotés d’une culture musicale solide.
Le reste n’est malheureusement pas à la hauteur, trop de morceaux au mieux plats, au pire totalement inutiles, basés essentiellement sur la personnalité de la chanteuse et parfois massacrés avec des choix d’arrangements étonnants pour des gens à l’ouverture d’esprit si grande. Certaines ballades sont même tellement tire-larmes qu’elles fricotent avec la variété la plus consensuelle – trois notes de piano tristes n’ont jamais fait une bonne ballade. Du coup A Mouthful est bien trop long en regard des prétentions qu’il affiche. En amputant cette surcharge pondérale et avec un manager roublard, The Dø serait même passé pour un groupe génial, conformément à sa réputation fabriquée de toutes pièces. Et c’est malheureusement le contraire qu’il démontre. Le duo semble avoir appris par coeur le Guide du parfait songwriter pour les nuls et appliqué les règles à la lettre, sans oser pousser le concept. Sur la foi d’une campagne publicitaire pour on ne sait même plus quel produit, voilà un groupe qui fera sensation quelque temps, mais qui sera vite confronté au problème de la durée. Les brisures, les accidents, les erreurs, soit autant d’éléments qui donnent du relief à un album, à plus forte raison le premier, voilà ce qu’il manque cruellement ici.
A Mouthful connaîtra donc un grand succès commercial auprès d’un public habituellement sourd. Oui, un bon gros carton bien mainstream d’ores et déjà assuré. Mais ce sera sans nous.
– Leur MySpace