Qu’il est dur d’assister à la déchéance artistique de nos héros. Au fond, c’est un peu une part de nous et de nos valeurs fondatrices qui sont heurtées. Plutôt que de subir ça – les mots sont durs mais c’est la pensée qui me traverse -, on aurait préféré les voir emporter brutalement, tel un Joe Strummer, plutôt que de continuer à se consumer de la sorte… Bob Mould, le parrain du rock alternatif US, celui qui seul durant les années 80 au sein d’Hüsker Dü a tenu bon face à la suprématie anglaise, cela jusqu’à ce que le cavalerie Pixies ne renverse la vapeur… Avec ses détonantes mélodies, habitées d’une colère totalement novatrice, l’artificier surdoué de la six-cordes a montré la voie à bien des formations et au-delà – votre serviteur inclus ne serait pas là à écrire ses lignes s’il n’avait pas entendu un jour “Up in the air” ou “Hardly Getting over it” du légendaire trio de Minneapolis. Sorti de sa retraite solo en 2002 avec une catastrophique tentative electro-rock, Modulate, le guitariste reconverti DJ donnait désormais sa préférence aux platines vinyles dans les soirées de Washington D.C. plutôt que dans les amplis Marshall. Quatre ans plus tard, Body of Song relevait un peu le niveau avec un franc retour à l’électricité, notamment grâce l’apport du phénoménal batteur de Fugazi Brendan Canty (l’homme est, il est vrai, capable de faire swinguer un cul-de-jatte). Entouré de la même équipe, District Line s’annonçait bien, mais sonne faux. Que ce soit les offensives binaires “Stupid Now” et “Return to Dust”, versant dans l’emo rock sans sel, ou l’incartade acoustique “Walls of Time” (inédit expurgé de son unique album solo acoustique Workbook en 1989), l’oncle Bob paraît… dépassé, incapable de retrouver l’étincelle ou de se réinventer. On s’accroche alors aux paroles du livret dans l’espoir d’y trouver matière plus pertinente… de vieilles rengaines d’une platitude à bayer aux corneilles. Mais où est donc passé le génie de Zen Arcade, Candy Apple Grey et Beaster ? Une question nous taraude : si son nom n’était pas inscrit sur ce disque, l’achèterions-nous ?
-Le site de Bob Mould