Une chorale danoise un peu allumée qui vénère l’oeuvre de Jérôme Bosch : tel est l’univers alléchant de Efterklang sur Parades, un album en technicolor
Les premières notes de “Polygyne”, tout en nappes synthétiques et tremblements de cordes, sont une entrée en matière des plus discrètes, quand on connait l’impétueuse nature du groupe de Copenhague. Formé en 2001, cette formation post-rock affectionne en effet les explosions sonores et les harmonies psychédéliques, comme sur leur premier véritable album Tripper aux accents electronica. Mais le velours sombre des premiers instants de cette ouverture se transforme bientôt en une matière miroitante, par l’intermédiaire de changements infinitésimaux : surgissent les trilles d’une flûte, puis quelques choeurs angéliques, sur fond de textures électroniques. Jusqu’à une première acmé : un thème instrumental, grave, entame sa progression en dents de scie, à contre-temps et en dépit d’une tonalité dominante. S’ajoutent la voix douce de Mads Brauer et les choeurs sans cesse étoffés de cette chorale du nord qui n’est pas sans rappeler les joyeux drilles de I’m From Barcelona.
On pourrait dresser la liste exhaustive des moyens mélodiques et instrumentaux que Efterklang convoque dans cette farandole bigarrée : piano, cordes, instruments à vents, boucles, xylophone, le tout en jouant sur les effets de répétition – notamment des choeurs – et de superposition. L’effet obtenu est pour le moins saisissant : une progression grandiose, parfois grandiloquente, à fort potentiel cinématographique.
Car Efterklang aime se mettre en scène, roi incontesté de sa petite arène multicolore. A grand renforts de tics musicaux dont la provenance demeure incertaine – un peplum suranné ou un manga d’anticipation ? – le groupe se construit une identité musicale hors du commun. Ainsi, une fanfare fait régulièrement irruption au coeur du microcosme electronica de “Mirador”, tandis qu’une avalanche de cordes et de tambours vient alourdir, de son imposante rondeur, la trame de “Horseback Tenors”. Le groupe affectionne par dessus tout l’alternance, parfois trop convenue, entre les tonnerres pompeux d’une musique à grand spectacle et les accalmies salvatrices, rares moments d’introspection. On appréciera par exemple les bienfaits de l’interlude au piano “Mimeo”, au même titre que ceux, digestifs, d’une gorgée d’eau pétillante après un repas trop copieux.
Si Efterklang est un groupe indéniablement inventif, il écope en effet du revers de la médaille de sa dévorante ambition : l’écoeurement est proche lorsque le groupe veut décidément nous en mettre plein la vue et les oreilles. Et si “Caravan” s’avère vraiment réussi, avec ses envolées vocales millimétrées, “Frida Found A Friend” ou “Maison de Réflexion” nous laissent pour le moins méditatifs, ne parvenant pas à nous épargner l’emphase de percussions et de cuivres bavards. Les plages les plus atmosphériques, dont l’épure tranche radicalement avec la théâtralité de certains réflexes, dévoilent une musique plus organique, à peine rehaussée de choeurs, comme “Illuminant”. Ces derniers conservent alors leur rôle subalterne – celui d’un accompagnement vocal – à la place de celui, surdimensionné, d’une joute oratoire parfois pénible, déjà entrevue sur les boucles conceptuelles du Medùlla de Björk.
Ces nuances mises de côté, Parades est un disque à l’imaginaire riche, coloré et surréaliste, à l’image de cette pochette où les créatures hybrides de Jérôme Bosch évoluent dans la géométrie d’un logiciel d’illustration. Une jolie métaphore pour cette musique baroque qui doit autant à l’électronique qu’à l’opéra.
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