Depuis les temps immémoriaux de la pop, des musiciens touche-à-tout comme Cody Chesnutt, Eric Matthews, Jason Falkner ou Eels ont toujours suscité une certaine fascination. Ces petits êtres étranges, capables de s’enfermer dans leur laboratoire fou pour y développer quelques théories pop tarabiscotées, s’afférant à chercher l’arrangement le plus tordu possible tout en restant fidèles au cahier des charges du songwriting mélodramatique. Tout juste signé chez Secretly Canadian en 2005, le multi-instrumentiste américain Richard Swift nous en collait plein la vue avec son double album lo-fi The Novelist/Walking Without Effort, s’inscrivant sans détour dans cette lignée de musiciens surdoués. Et même si sa dernière pièce montée Dressed Up for the Letdown (2007) nous écoeurait un peu, elle ne remettait nullement en question son talent et appétit vorace d’écriture. Parallèlement, Instruments of Science & Technology présente une facette nettement plus expérimentale et cérébrale de sa personnalité. Sur ce disque entièrement instrumental, le professeur Swift tente ici une fission nucléaire électro risquée à l’aide de synthétiseurs old school, provoquant quelques réactions en chaine en terrain krautrock, hip hop et ambiant. Une B.O. noire, tellement charbonneuse qu’elle pourrait alimenter quelque documentaire sur les usines métallurgiques de Detroit et de l’ex-RDA. La plupart des thèmes louchent vers l’ambient lunaire, ascendant Before and After Science du maître Brian Eno (le no man’s land “War/UnWar”). Quelques curiosités aussi émergent tel “INST” avec sa basse martelée et son abus de Vocoder qui pourrait donner une idée si Kraftwerk reprenait du Curtis Mayfield. A contrario, “Shooting a Rhino Between the Shoulders” fait un peu office de Burial du pauvre, une vaine tentative « daube-step ». Certes, Music From the Films of R/Swift est loin d’être parfait et fascinant de bout en bout, mais ses petits défauts lui confèrent un cachet touchant. Vivant.