Dans leurs habits neufs de premiers de la classe, école Grandaddy, les Normands de Maarten livrent une copie parfaite, sans faute, et sans rature. Finalement, le retour de la discipline à l’école, ça peut avoir du bon…


Les petits crochus ont eu le nez fin en y allant au culot : réveiller Jason Lytle et lui demander de donner corps à leurs chansons. Indéniablement, ce qui frappe à la découverte du deuxième album de Maarten, My Favorite Sheriff, de la pochette au son en passant par la voix, c’est la filiation directe avec le défunt groupe de Modesto. On ne sait trop s’il faut en rire ou en pleurer au début, après on s’en félicite.

Passé ce premier obstacle de taille, reconnaissons à Maarten un don certain pour l’écriture pop. Car cette gémellité n’est pas due au hasard, elle tient également à la qualité des compositions. Entre ballades aériennes, vignettes gorgées de soleil et de mélancolie, et morceaux plus ramassés, My Favorite Sheriff possède les qualités de ses défauts. Oui, clairement, même à Rouen on peut aujourd’hui écrire des chansons pop à la sauce américaine sans faire tache (en faisant abstraction d’un accent frenchie un peu pesant). Et finalement, compte tenu des modèles affichés par Wilfried Scheaffer et ses complices, il paraît logique de remettre le sort de cette musique si référencée entre les doigts de fée d’une de ses figures les plus imposantes.

Ce qui a convaincu le sympathique Jason de sortir de sa torpeur ? Une musique qu’il connaît au poil. Car aux côtés des ombres des skaters barbus planent celles d’Elliott Smith, Sparklehorse ou Radar Bros, soit autant de génies de la mélodie radieuse et du chant fragile. Et on ne saurait lui donner tort tant My Favorite Sheriff vole haut, juste en dessous des cieux de ces songwriters d’exception. Et tout contre Calc, autres petits surdoués hexagonaux.

Les Maarten ont bénéficié de moyens à hauteur de leurs ambitions et su en faire bon usage. À y regarder de plus près, quelques pistes nous ramènent bien plus près de nos contrées, soit la pop britannique séminale. Il y a du Kinks dans cette propension aux envolées rythmiques, du Nick Drake dans cette légèreté timidement voilée de tristesse, et même du Beatles dans les textes (explicite “Your Mother Should Know” qui n’a pourtant musicalement rien à voir avec le classique de Macca/Lennon).

A bien y réfléchir, ne serait-ce pas ce sacré complexe de la grenouille qui aurait pu nous pousser à bouder notre plaisir ? Pourquoi nous n’aurions pas droit, en France, à de la pop classique, parfaitement ancrée dans la tradition, et qui n’aie pas le goût du simili-cuir ? Il faudrait même une sacrée dose de mauvaise foi ou faire preuve d’un chauvinisme éhonté pour résister aux douceurs de “Will You Inherit the House ?”, “A New Year” ou autre “So Lonely”, ou encore pour refuser de sautiller à l’écoute de “All Around You”, “The Most Beautiful Day Of My Life” ou “Golden Days”. Voilà donc un disque pop-folk dans toute sa splendeur, lettré et bordé au millimètre, dont aucun cheveu ne dépasse et qui ne se prive pas de tutoyer l’excellence à de nombreuses reprises.

Et finalement, la vraie bonne nouvelle, c’est qu’il s’agit d’un disque français. Car, enfin, ce bon vieux rock français n’a plus de complexe et saute les frontières sans passeport. Aux côtés des nouveaux nababs barbus (eux aussi), les must have Herman Düne, fourmillent depuis plus ou moins longtemps nombre de groupes touchant des styles souvent très éloignés comme, notamment, Calc, Syd Matters, Hey Hey My My, Cocoon, Kim Novak, HushPuppies ou les prometteurs Coming Soon ou Adam Kesher. Et c’est au tour de Maarten de voir leur patience récompensée et d’entrer dans la danse, en s’inscrivant directement au tableau d’honneur.

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