On a déjà longuement défendu Alas (1998) dans ces pages, œuvre maîtresse, absolue, sortie du cerveau complexe du californien Jeff Martin. Cette réédition attendue et accompagnée du Forbidden EP (1997), tous deux originellement parus chez feu Buzz Records et jusqu’ici épuisés, offre une séance de rattrapage aux étourdis passés à côté (excusables, ledit opus n’était seulement disponible qu’en import) et ceux aujourd’hui désireux de s’initier à l’une des œoeuvres les plus singulières et bouleversantes de la fin des années 90. Rien de moins. A partir du décisif The Forbbiden EP, Jeff Martin dessine de nouvelles cartes inconnues à son slowcore, anesthésie la saturation pour développer des errances plus austères et sophistiquées : une musique noctambule, lacrymale, où les accordages quatre-cordes inusités de Martin et les halos de feedback émanant du guitariste Dan Seta, restent parmi les plus belles choses que nous ayons entendues. Les squelettes de composition demeurent toujours, une décennie plus tard, non répertoriés dans les Atlas musicaux : la bouleversante ouverture “Jump UP”, la mélancolie spatiale d’“Only in the Desert” ou l’impressionnante dérive post-rock “Bass Crawl”… Il est évidemment grandement recommandé de ne pas en rester là et de se procurer les suites grandioses Heart of Palms (2000) et Levitate (2001), prolongements d’une trilogie dont la cohérente est d’autant plus frappante en 2008. Enfin, saluons l’excellente initiative que d’avoir inclus “The Sun is All There Is” (initialement sorti sur la compilation The Shanti Project Collection (1999) aux côtés d’inédits de Low, RHP, Hayden), certainement la mélodie la plus évidente écrite par Martin, avec son break disloqué tout à fait génial dans son procédé de sabordage. L’autre disque bonus rassemble des commandes pour la télévision, pour le moins déroutantes, et ne présentent hélas pas beaucoup d’intérêt. Le premier CD, en revanche, est inoxydable. Un investissement pour la vie.
– Le site officiel d’Idaho