Derrière le clavier volontiers vintage de la pochette du second album de Grand Pianoramax se cache Léo Tardin, un pianiste genevois de 32 ans résidant à New York depuis dix ans. A l’intérieur, The Biggest Piano In Town a le mérite de se hisser au niveau de son ambition clairement affichée. Sous des formes riches et variées, les touches noires et blanches sont déclinées avec un enthousiasme non feint (Minimoog, Fender Rhodes, grand piano de bois verni, K-Station) et dialoguent avec deux batteries affûtées, tantôt celle de Deantoni Parks (The Mars Volta, Meshell Ndegeocello), tantôt celle de Adam Deitch (50 Cents, Talib Kweli). Sur quatre morceaux, des rappeurs – et non des moindres, Mike Ladd, Invicible, Celena Glenn et Spleen – viennent donner de la voix, ajoutant à la pulsation soutenue des instruments un flot de mots engagés et engageants. Depuis les récents The Battles nous n’avions pas entendu rythmiques urbaines aussi syncopées, attisant autant les neurones des méninges que le sang dans les jambes. Plus qu’une énième rencontre réchauffée entre le jazz et le hip-hop, The Biggest Piano In Town est une tentative réussie de rejouer cette union comme au premier jour, en se débarrassant des gimmicks du genre et en épurant le procédé de greffe. Comme s’il fallait d’abord oublier pour mieux se souvenir. Un grand écart qui passe par un mix bien senti de sonorités cheap, d’effets analogiques old scool et de beats actuels, l’absence totale de démonstration au profit d’une meilleure efficacité, et une économie de moyens inversement proportionnelle aux idées d’arrangements déployées. Secs et rugueux, les morceaux chargés de réminiscences ne cessent de bondir vers l’avant, agités de tous bords, instables pour mieux saisir l’étendue du monde tel qu’il bouge.
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