Danger Mouse, un des plus grands producteurs hip hop en activité (Gorillaz ou The Grey Album, c’est aussi lui), se devait de prouver que l’énorme carton dont bénéficia St. Elsewhere (2006), porté par le torride “Crazy”, était tout sauf un hasard. Et de fait, The Odd Couple relève très largement le défi. St. Elsewhere avait fait danser la Terre entière avec un mélange festif et particulièrement intelligent de hip hop, soul, R’n’B et pop. Cee-Lo Green, l’autre moitié de Gnarls Barkley, n’avait plus qu’à s’amuser comme un petit fou avec sa voix descendue du ciel. The Odd Couple reprend les mêmes éléments tout en creusant le débat, révélant davantage encore les sources où s’abreuve le groupe. Le R’n’B, passé à la moulinette du duo, en ressort sous les traits fatigués d’une tuerie de fin de nuit, accompagnant malicieusement les derniers danseurs au pied du dance floor. Exemple, “Charity Case”, placée en début d’album, comme pour donner une tonalité enfumée et cotonneuse à la suite. De même, quand Gnarls Barkley s’attaque à la soul, on croirait entendre un remix d’un standard de chez Stax, la signature de la musique black dansante et colérique – “Neighbors”, “Who’s Gonna Save My Soul” chantée par le fantôme d’Otis Redding, ou le single “Run” qui convoque Aretha Franklin sur Demon Days de Gorillaz. Mâtiné de trip-hop, l’ensemble du disque procure un sentiment étrange de volupté chimique qui tranche avec la voix authentiquement féline et tellement puissante de Green. Bien sûr, il était obligatoire pour Gnarls Barkley de pondre un tube, le single qui devrait truster les ondes. En l’occurrence, c’est “Surprise” qui en présenterait tous les atouts, avec sa guitare surf, sa rythmique endiablée, son refrain hautement adhésif et ses choeurs gospel électrisés par un Cee-Lo Green déjanté. Un deuxième album éclatant, robuste, infiniment intelligent, mais qui n’oublie pas sa destination première, la moiteur des pistes de danse, même au petit matin.
– Leur site officiel