Référence majeure en matière d’electronica, genre qu’il a contribué à inventer de toutes pièces dans les années 90, le groupe Autechre, tout comme son ex-compère de label Aphex Twin, peine à trouver un second souffle depuis quelques années (on rappellera juste ici pour mémoire que la musique du duo anglais fut la principale source d’inspiration de Radiohead au moment d’enregistrer leur fameux diptyque Kid A/Amnesiac en 2000). Plus précisément, depuis le beau et ardu Draft 7.30 (2003) Sean Booth et Rob Brow oeuvrent davantage à une synthèse de leur art qu’à se réinventer dans la forme. Après un redondant Untitled (2005) et la compilation AEO3/3HAE (2005), leur neuvième album Quaristice a même tout d’un retour aux sources : éclectique et plus accessible, ce disque décline des ambiances atmosphériques, des constructions rythmiques abstraites et de minimalistes précis mélodiques qui renvoient à différentes périodes de leur riche parcours. Forcément un tel revirement, pour qui appréciait chez le duo le côté obsessionnel du propos, aura un effet déceptif, le groupe pouvant donner l’impression de thésauriser à présent ses acquis. Une approche un peu courte qui ne saurait rendre justice au savoir-faire imparable d’Autechre et à sa capacité éminemment supérieure à composer des morceaux virtuoses, foisonnants et toujours étonnants. D’autant que Quaristice a été conçu sous les auspices d’une fraîcheur et spontanéité nouvelles, héritées d’expériences live récentes et que le groupe a eu le souci de varier les plages, plus nombreuses et condensées ; menues audaces mais signe malgré tout que le duo ne se contente pas de reproduire stricto sensu ses anciennes copies. En fait, la légère réserve qui gît au coeur de Quaristice se montre tout autre : elle est liée au sentiment d’écouter une musique qui n’est plus vraiment synchrone avec son temps. Quelque chose semble étrangement daté, fixé à une époque pas si lointaine mais peu en phase avec les affres du présent. Et Autechre de réussir, sans céder aux sirènes de la nostalgie, ce curieux paradoxe : enregistrer aujourd’hui un grand disque d’hier.