Cinq ans après l’intense If Just Today Were To Be My Entire Life, l’explorateur Matt Shaw revient nous délivrer sa belle mélancolie contemplative. Une passerelle entre electro ambient et folk.
Matt Shaw empreinte le patronyme Tex la Homa en référence au roman célèbre Generation X de Douglas Coupland. Producteur, compositeur, musicien, cet artiste britannique complet nous offre après ses deux premiers albums Dazzle Me With Transience (2002) et If Just Today Were To Be My Entire Life (Talitres, 2004) un troisième projet spatial : Some Lost Bliss.
De la manipulation du son à sa modulation, tout y passe. Plusieurs espaces sont déployés : celui de la voix, de l’instrumentation et du son. Matt Shaw nous emmène avec « Can’t wait » sur des chemins de quiétude achevant l’épopée par un roulement final délicieux. Distorsion et guitare lo-fi sont le lot de cet album envoûtant grâce à une myriade d’ornements, de détails et une finesse fascinante. Enchainement avec “The Other Window” dont les effets retiennent notre attention : on est alors projetés dans une installation artistique, musicale avec comme sujet la résonance, le prolongement, l’étirement du son. Les notes ne sont pas sèches et courtes, elles tendent toujours à se poursuivre, à s’échapper. L’expérimental prend ici toute son ampleur. Nous pourrions ainsi passer des heures à disséquer chacun des titres, à écouter, fixer notre attention un peu plus à chaque seconde, car tout est sujet à étonnement. Matt Shaw passe son temps à nous charmer, à littéralement nous toucher.
Avec “Be there” et “And so you”, l’artiste se réapproprie la mélodie, peu présente sur les premiers titres. Le passé vient ébranler le présent avec un « Never Forgive, Never Forget » résigné, presque lancinant, « But I could be there for you ». La fluidité, la limpidité de “Invisible Suburbs” relève d’une jolie expérimentation sonore, où l’on ne désire qu’une chose : que les effets nous traversent, nous hantent, attentifs pour tout capter. Laissons-nous donc traverser, transpercer par son mouvement, par ses ondulations. Cette attitude de chasseur à l’affût du mouvement continue à l’écoute de “Obsessed with angels”, morceau délicat et évanescent. “Vapour Trails” jure avec les précédents titres de l’album, moins original mais plus pénétrant, ici même la voix est transformée, accompagnée d’une rythmique soutenue et énergique.
L’album prend alors une dimension plus riche, hétéroclite et spacieuse. Après une absence, le ton lancinant recouvre la surface du lac qu’est “Every Morning Dawn” dont les paroles nous émeuvent doucement, calmement, comme un aveu. La mélancolie affleure. Charmeur et séduisant, Matt Shaw nous apprivoise avec “And So You”, guitare en main, défiant les derniers doutes de son doigté, jouant toujours délicieusement de sonorités inédites. “The Circle » et « Santander” confirment le jeu des sonorités avec une alternance d’absorptions et de tonalités creuses. Un régal.
« L’utopie » ou “Daisy chain”, une des plus belles parties de l’album, constituent une brume humide et froide qui vient recouvrir un paysage onirique que Marc Shaw qualifie joliment dans “New Moon, A Dream”. Puis “Nine Stone” conclue en beauté un album éclectique, hypnotisant, ondulant, oscillant, tambourinant, flottant.
– Le site officiel
– Son Myspace
– Lire également la chronique de If Just Today were To Be My Entire Life (mars 2004)
– Lire également la chronique de Into Timeless Shadows EP (septembre 2006)