Surfant sur le solide succès critique et public du précédent Le Fil (2005), Camille n’aura pas attendu longtemps pour lui donner une suite avec ce troisième album tout en gorge déployée. Aucune précipitation opportuniste toutefois, Music Hole ne ressemble en rien à un décalque paresseux façonné à partir de formules déjà éprouvées. Plutôt jusqu’au-boutiste, l’album enfonce même le clou du tout vocal (seul subsiste comme instrument un piano) et s’essaie à des compositions volontiers itératives, principe reconduit de morceau en morceau pas forcément des plus avenants. Des velléités expérimentales trouvent ainsi à s’affirmer au sein d’une chanson française qui en perd judicieusement sa langue et pulse au rythme de battements de corps. Organe vocal hors norme, créativité manifeste, caractère musical indomptable (notamment sur scène), souci de respectabilité populaire : sans réfuter la généreuse comparaison, Camille s’affirme encore un peu plus comme une cousine artistique et légitime de l’islandaise Björk (Music Hole a d’ailleurs été enregistré à Reijkavik avec le producteur Valgeir Sigurðsson). Pourtant, sur au moins un point, les deux chanteuses diffèrent sensiblement. Là où les concept-albums de la seconde, y compris les moins convaincants ou les plus récréatifs, contiennent un fond, sinon des fondements qui leur assurent une consistance, parfois toute relative mais nécessaire, la seconde construit son univers sur du vent. Difficile, dès lors, malgré l’indéniable ludisme de cette musique, de voir en Music Hole autre chose qu’une mécanique bien huilée, brillante, entièrement soumise aux injonctions d’une voix majuscule qui se complait, en roue libre, dans la vaine performance et les jeux vocaux de peu de mots. Camille peut tout chanter (R’n’B, gospel, opéra, chanson douce, cabaret, canard sauvage, afro, soul…) et nous le montre. Et après ? Pour nous dire quoi ? De ce bestiaire musical et enfantin ne pointe nulle raison d’être, juste des potentialités offertes en pâture. Trop peu pour nous.