Enorme surprise que ce second opus des Ecossais. Si Sing The Greys nous les avaient rendus sympathiques, celui-ci les propulse au rang des rares groupes de première zone dans le vaste maelström de la pop ligne claire d’outre-Manche.


Un bon groupe de première partie de plus, de vénérables popeux qui grattent leurs six cordes dans le seul but d’accéder un jour à Top of the Pop. Voilà à peu près l’effet ressenti à l’écoute de Sing the Greys, le premier album de Frightened Rabbit, un disque bien fait mais plutôt banal, joué par des gens honnêtes mais visiblement sans relief. Difficile dans cette configuration de sortir du lot, surtout en Grande Bretagne. Inutile de préciser qu’au moment de glisser le deuxième volet de ce travail dans le tiroir à CD, notre intérêt était franchement en berne. Seulement, le quatuor basé à Selkirk, Ecosse, en avait gardé gros sous le pied.

Il a dû se passer quelque chose de sérieux au sein du groupe depuis la parution de ce premier disque, car The Midnight Organ Fight est un bijou de pop romantique à guitares, propulsant dès les premières notes les Frightened Rabbit au firmament des groupes que nous chérirons encore longtemps pour avoir pondu de telles chansons, et ce quelque soit leur évolution. Dès “The Modern Leper”, le titre d’ouverture, les quatre garçons dans la brise tutoient les cieux avec ces guitares bravaches, cette rythmique imposante et ce chant habité. La suite de l’album ne redescendra jamais vraiment. Les quatorze titres de The Midnight Organ Fight sont autant de bombes mélancoliques et frondeuses. Le quatuor a fini d’éplucher ses méthodes et s’essaie à l’énergie avec un succès certain. Certes, Sing The Greys présentait déjà de sérieux atouts à tenir une chanson, jouant autant des riffs de guitares que de la mélodie altière. Mais l’ensemble sonnait un peu forcé, voire timoré. Ici, la mue est totale et le quatuor s’affranchit définitivement des tics de jeunesse, travaille au corps les compositions, sans se priver de jouer de ses faiblesses.

Un grand soin est cette fois porté à la production puisque l’espace est tout entier occupé, un peu à la manière des cousins d’Amérique Band Of Horses ; à ceci près qu’ici on sent encore l’huile de coude, les derniers relents d’amateurisme. Et c’est tout sauf un défaut, le disque respirant la sincérité. L’absence de basse n’est pas pénalisant tant le son brille de mille feux. A plusieurs reprises, les Ecossais s’offrent même de menus plaisirs en convoquant mandolines et cuivres dans un déluge sonore du meilleur effet.

Autre progrès, et probablement le plus impressionnant, l’écriture. Il y a chez le Frightened Rabbit nouveau une assurance et un goût de l’aventure que nous ne soupçonnions guère quelques mois auparavant. On pense à R.E.M. période Automatic For The People pour cette manière de porter un chant parfois emprunté sur un lit de guitares scintillantes, le tout soutenu par une batterie infatigable. On pense à Elbow pour cette propension à jouer de la gravité avec un certain détachement. On pense au meilleur U2 quand ces derniers se souciaient plus de la musique que des mega-shows. Mais par dessus tout on pense à un groupe qui évolue dans un style classique tout en redorant ses lettres de noblesse ternies depuis bien longtemps. Si la production s’en sort considérablement renforcée, elle n’est pas l’objet d’un abus outrancier puisque Scott Hutchinson et ses complices – Grant Hutchison, David Kennedy et Andy Monaghan – savent s’arrêter à tant, juste avant d’en faire trop. Inutile au demeurant d’isoler un seul titre tant The Morgan Fight est d’une excellence constante.

The Midnight Organ Fight est l’oeuvre majeure d’un groupe modeste (« Just a fucking song » répètent-ils sur “Keep Yourself Warm”) qui avance à coeur ouvert. Et si personne n’y est sensible, c’est à n’y plus rien comprendre de l’espèce humaine.

– Leur MySpace